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Belle dormant (2016)
de Adolfo Arrieta
publié le mercredi 18 janvier 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 377, décembre 2016

Sortie le mercredi 18 janvier 2017


 


Le nom de Adolfo Arrieta attirera sans doute tous ceux qui, il y a quarante ans déjà, apprécièrent son film indépendant Le Château de Pointilly (1972), encensé en son temps par Marguerite Duras elle-même, Les Intrigues de Sylvia Cousky (1975), qui remporta le grand prix du cinéma différent au Festival de Toulon, et Flammes (1978), une hallucination enfantine qui rappelle une des toutes premières fiction de l’histoire du cinéma, Life of an American Fireman (1903) de Edwin S. Porter.

Les éditions aVoir-aLire ont sorti en DVD l’œuvre complète de ce cinéaste somme toute inclassable, qui, tout au long de sa vie, a oscillé entre Madrid, sa ville natale et Paris, sa ville de prédilection. Nous faisions donc partie des curieux, prêts à découvrir son ultime film, Belle dormant, variation sur le conte de Perrault et de Grimm, La Belle au bois dormant.


 

Et nous n’avons pas été déçus. Adolfo Arrieta reste fidèle au monde de l’enfance, à celui de l’onirisme ou, plus exactement, du passage discret, à peine perceptible, de la réalité au rêve.
Le récit joue avec différentes strates du temps, l’action étant censée se dérouler en l’an 2000 alors que les costumes et les musiques évoquent le 18e siècle, soit celui de la malédiction. Les paysages, deux châteaux perchés en pays breton, n’ont rien de particulièrement spectaculaire, mais il en émane le charme des endroits depuis fort longtemps désertés. Les personnages donnent l’impression de sortir de tableaux vivants ; ils récitent comme au théâtre, straubiennement, et introduisent dans le film un effet de distanciation. À deux exceptions près : la bonne fée et maîtresse de cérémonie, campée par la délicate Agathe Bonitzer, et Ingrid Caven, grimée en savoureuse Carabosse, plus bourrue que véritablement méchante.


 

Les plus belles scènes du film sont certainement celles du réveil dans un cadre enchanté. La caméra filme alors êtres et gens en état de catalepsie avancée. L’univers qui nous est restitué passe par un filtre mordoré. La lumière est celle du petit jour. Le retour à la vie est dénoté par la pièce d’eau qui se ride, le vent qui déferle, le marmiton qui prend une claque… Mais ces plans ont un tremblé, une hésitation qui fait douter de la réalité comme du rêve.

Belle dormant ne nous semble pas du tout ressortir au genre de la fantasy, aujourd’hui fort en vogue. L’œuvre invite au contraire à réfléchir sur le mirage et l’illusion. Le modèle pour le cinéaste reste le magicien Jean Cocteau.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 377, décembre 2016


Belle dormant. Réal, sc, mont : Adolfo Arrieta ; ph : Thomas Favel. Int : Niels Schneider, Mathieu Amalric, Agathe Bonitzer, Serge Nozon, Ingrid Caven (France-Espagne, 2016, 82 mn).



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