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Brothers of the Night (2016)
de Patric Chiha
publié le mercredi 8 février 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 379-380, février 2017

Sélection de la 66e Berlinale 2016

Sortie le mercredi 8 février 2017


 


Malgré quelques défauts somme toute mineurs (titre en anglais d’un film autrichien conservé machinalement par le distributeur français, esthétisme fassbinderien légèrement désuet, théâtralité parfois précieuse de la mise en scène), le film de Patric Chiha surprend agréablement.

Son sujet, la prostitution masculine de jeunes migrants d’origine rom à Vienne, sort de l’ordinaire. Son traitement est singulier.
Au lieu de filmer la ville, l’errance noctambule de bar en bar, l’aspect sordide du trafic de charmes, le metteur en scène se focalise sur ses personnages, une douzaine de garçons ayant chacun sa personnalité propre (aucune femme à l’horizon).


 

Les scènes sont toutes intimes, presque toutes en intérieur dans des teintes pourpres, bleutées, mauves, mordorées. Les prises de vue en plan fixe établissent une proximité entre les sujets et les spectateurs. Le montage alterne habilement joutes oratoires et affrontements physiques, scènes de fête et de gueule de bois, confidences d’insomniaques et éclats de voix.


 

Plusieurs langues se combinent et se mélangent, le bulgare émaillé de romani étant majoritaire, avec quelques bribes d’allemand et de dialecte viennois. Paradoxalement, les effets de réel jaillissent de cet usage du mode fictionnel, de sorte que nous apprenons que ces jeunes gens ne sont gays ni par nature, ni par culture, mais uniquement par nécessité de gagner leur vie. C’est ce qu’ils nomment le business. Leurs épouses les attendent au pays où ils retournent pour apporter leur gain.


 

Le parti pris du réalisateur est payant : l’absence de misérabilisme comme de jugement moral n’empêche pas une crudité du langage et du signifié. La sensibilité de l’auteur, sa connaissance de Genet et du genre mélodramatique servent de filtre et de médiation et nous font découvrir un microcosme en évitant les écueils d’un cinéma ethnographique.
En leur offrant une scène, le film rend hommage à ces ragazzi di vita venus de l’Est, à leur énergie, leur joie de vivre et à leur refus d’une posture victimaire.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 379-380, février 2017

Brothers of the Night (Brüder der Nacht). Réal, sc : Patric Chiha ; ph : Klemens Hufnagel ; son : Atanas Tcholakov (Autriche, 2016, 88 mn). Documentaire.

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