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Fleurs bleues (les) (2016)
de Andrzej Wajda
publié le mardi 21 février 2017

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 378-379, février 2017

Sortie le mercredi 22 février 2017


 


Drôle de titre pour un film sur un peintre révolutionnaire, un artiste d’avant-garde qui participa au constructivisme ! C’est au cours du film que l’on découvre la signification et le choix, romantique et sensible, d’Andrzej Wajda.
Ce que l’on perçoit aussi tout au long du déroulement, c’est la profonde empathie du réalisateur pour le destin tragique du peintre Wladyslaw Strzeminski, son engagement politique et artistique qui lui valu de tout perdre les dernières années de sa vie. Tout, sa femme Katarzyna Kobro, sculpteur d’avant-garde d’avec laquelle il s’est séparé, son poste de professeur, sa carte d’artiste lui donnant accès au matériel pour travailler. Sa descente aux enfers fut terrifiante. Dans un pays en proie à la dictature, Strzeminski fut un héros.


 

Wajda, en s’intéressant aux dernières années de la vie du peintre, fait l’éloge de cette posture exemplaire, mais difficile, sans compromission aucune, d’une intégrité rare.

On ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre Wajda, citoyen polonais, orphelin à 13 ans d’un père assassiné à Katyn en 1939, s’engageant en 1942 dans la Résistance, fondant en 1946 le groupe des Autodidactes à l’école des Beaux-Arts de Cracovie pour enfin suivre les cours de cinéma à l’École de Lodz et Wladyslaw Strzeminski, né en Russie en 1893 mais citoyen polonais, amputé d’un bras et d’une jambe lors de la Première Guerre, farouche opposant au régime, peintre et fondateur du musée de Lodz, créateur de l’unisme, théorie picturale révolutionnaire. De ces destins presque semblables émerge une admiration réciproque, particulièrement perceptible dans le film, comme si l’un et l’autre poursuivaient à travers le cinéma et dans l’amitié profonde, une conversation rêvée.


 

On peut s’interroger : Wajda, en filmant la biographie du peintre, cherche-t-il à rendre des comptes à sa jeunesse, à ses combats et à son drame d’enfance ?
La présence dans le film de la petite-fille de Strzeminski peut évoquer celle du cinéaste enfant, face à un destin des plus difficiles. Chaque plan est un hommage à la réflexion et la clairvoyance de l’artiste, toujours au travail, donnant les cours à ses élèves, écrivant ou peignant ; Boguslaw Linda exprime parfaitement son intériorité et sa solitude. Avec pour seule diversion à son activité de peintre, ses démêlés avec la police d’État, humiliations, convocations, interrogatoires et poursuites.


 

Dans sa continuité assez classique, le film, à la fois romanesque et didactique, contient de fortes scènes inventées, notamment celle de l’espace de travail de l’atelier inondé d’une lumière rouge, due à la pose d’une bâche à la gloire de Staline sur ses fenêtres ! La lumière, élément primordial pour un peintre, soudain occultée et bafouée par l’appareil d’État.

Autre scène emblématique, celle de la destruction par la police des œuvres exposées au musée.
Et enfin celle, admirable dans sa composition, de la mort du peintre, perdant ses béquilles et s’écroulant dans une vitrine, alors qu’il mettait en scène, comme décorateur, des mannequins, son ultime ressource pour vivre. Scène qui, dans l’encadrement de la vitrine, serait à elle seule un tableau, soudain traversé par le peintre lui-même.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 378-379, février 2017

Les Fleurs bleues (Powidoki). Réal : Andrzej Wajda ; sc : Andrzej Mularczyk ; ph : Pawel Edelman ; mont : Grazyna Gradon ; mu : Andrzej Panufnik. Int : Boguslaw Linda, Aleksandra Justa, Bronislawa Zamachowska, Zofia Wichlacz (Pologne, 2016, 98 mn).

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