Le film repose sur le désir d’un producteur, Philippe Martin (des films Pélléas), amateur et connaisseur d’opéra. À partir de circonstances particulières - le changement de direction et d’équipe (danse et musique) de l’Opéra-Bastille -, il a proposé au réalisateur franco-suisse Jean-Stéphane Bron une expérience, qui, après deux années de travail, donne à voir un film remarquable.

Le tournage s’est effectué entre janvier 2015 à juillet 2016 : cent-trente jours de filmage, des mois de montage, un film écrit au fur et à mesure, avec ses imprévus et la constance du point de vue et la volonté d’un réalisateur à forte personnalité.

Le cadre, 1x1,85, met en valeur l’espace, le travail collectif de scène, les corps de ballet, le chœur de l’Opéra et les personnages, qu’ils soient ceux des œuvres musicales, des ballets, de leurs chefs ou des interprètes, des directeurs ou de tous les spécialistes de la scène et de toutes les "petites mains" indispensables du plateau.


Une institution nationale, au cœur de Paris, où les enjeux sont internationaux.
 Un sujet délicat, traité avec finesse et énergie, qui expose les rouages d’une micro société au sein de la société française. Les arts - musique et danse - et l’entreprise institutionnelle intimement mêlés. Le travail individuel dans la "machine" collective, tous au service d’un projet commun.


Le film est à la fois drôle, intelligent, émouvant et instructif, développant un point de vue depuis les coulisses, démontrant à quel point tous les engrenages nécessaires à la réalisation d’un spectacle sont à haut risque.


On est passionné par ce "royaume", ses gigantesques difficultés, les heurs et malheurs des personnes en présence, les conflits internes, comme les grèves ponctuelles, ou nationaux, comme les attentats extérieurs, la passion individuelle de chacun, chanteur, musicien, danseur, coiffeur, maquilleur, habilleur, hommes ou femmes de ménage... Tous dans leur rôle, indispensables à l’ensemble, dans le but d’offrir le plus réussi des spectacles.


Ces passions individuelles, ces efforts extrêmes sont particulièrement émouvants.
Surgissent des personnages saisissants, comme ce jeune homme, sélectionné sur audition, invité à venir travailler au sein de l’Académie : baryton–basse,
Russe parlant l’allemand, Micha a été filmé au long de sa progression.


Bron nous montre d’autres expériences, comme l’accueil au sein de l’Académie, grâce à une mécène, d’une classe de CM2, venue d’une ZEP, et l’apprentissage par les élèves d’instruments à cordes - avec un concert final où les parents sont dans le public.


Il évoque enfin la difficile "démocratisation" pour permettre l’accès au plus grand nombre. Si le prix minimum d’un billet tourne autour de 140 euros, c’est parce que les coûts demeurent lourds, impossibles à réduire, l’institution étant une vitrine de prestige - comme l’illustre le casting d’un taureau qui doit figurer sur scène dans Moïse et Aaron de Arnold Schönberg.


L’air du temps, national et international, est tangible.

Et le réalisateur nous fait partager son regard amusé, et parfois ironique. Un vrai régal.

Michka Gorki
Jeune Cinéma en ligne directe

L’Opéra. Réal : Jean-Stéphane Bron ; ph : Blaise Harrison ; mont : Julie Léna. Int : Stéphane Lissner (France-Suisse, 2016, 110 mn). Documentaire.