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Banquet des fraudeurs (le) (1951)
de Henri Storck
publié le mercredi 12 avril 2017

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°192, janvier-février 1989

Sélection du festival de Cannes 1952

Sorties les mercredis 9 juillet 1952 et 12 avril 2017


 


Prendre un village belge enfoui dans un repli du cadastre, y mettre trois postes-frontières de trois nationalités, ajouter plusieurs douaniers, quelques contrebandiers en mesures égales, incorporer un choix d’échantillons représentatifs - un bourgmestre directeur d’usine, son fils, sa femme, un délégué syndical, un bistrotier recéleur, une fille de douanier amoureuse d’un passeur, une jeune Allemande prostituée par nécessité, remuer soigneusement et laisser reposer le tout.

On peut, selon les cas, obtenir une pagnolade nordique, une version de Clochermerle à la mode brabançonne, ou, avec un brin de génie dans le doigté et beaucoup d’intelligence inspirée, Le Banquet des fraudeurs.


 

Storck a tout dit ici-même (1) de ce que fut la genèse du film, les différentes étapes de sa germination et la façon dont la fiction s’est nourrie des enquêtes sur le terrain.

Mais ce que ne pouvait laisser prévoir son plaisant discours de présentation au Républic-Cinéma, c’est la dimension pédagogiquement rigolarde du résultat, et comment ce qui aurait pu n’être que plat péan en l’honneur du Bénélux nouveau-né est devenu cette réflexion caustique sur la relativité des frontières et les délices de l’illégalité.


 

Certes Charles Spaak a dû avoir sa place dans cette réussite, en tramant à petits points ce scénario exemplaire, où chaque personnage, échappant à tout manichéisme, vient à sa place dans la géographie d’ensemble (rarement, par exemple, les relations entre un patron et ses ouvriers auront été si justement posées).


 

Mais la beauté de ce qui nous est donné à voir, les grands ciels liquides, l’éclat des pavés magnifiés par l’objectif de Eugen Shuftan, les échappées nocturnes dans la forêt allemande - jusqu’aux plans de détails : le cadavre transporté en brouette à travers le village, le cadrage épique des ouvriers juchés sur leur grille, l’étrange architecture des tables du banquet final - tout confirme la force du regard de Storck, et ne peut que faire regretter que cette expérience de cinéma de large consommation ait été sans lendemain. (2)

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°192, janvier-février 1989

1. Cf. Entretiens entre Henri Storck et Andrée Tournès :
I. Henri Storck, témoin émerveillé ou narquois Jeune Cinéma n°188 de mai-juin 1988.
II. Henri Storck, témoin fraternel Jeune Cinéma n°189 de juillet 1988.

2. Cf. La Fondation Henri-Stock.

Le Banquet des fraudeurs. Réal : Henri Storck ; sc : Charles Spaak ; ph : Eugen Schüfftan ; mu : André Souris ; mont : Georges Freedland, Hilde E. Grabow, Georges Lust ; conseiller technique : André Cayatte. Int : Françoise Rosay, Jean-Pierre Kérien, Christiane Lénier, Daniel Ivernel, Yves Deniaud, Paul Frankeur, André Valmy, Raymond Pellegrin, Eva-Ingeborg Scholz, Karl John, Arthur Devère, Robert Lussac, Charles Mahieu, Käthe Haack (Belgique, 1951, 90 mn).



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