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Région sauvage (la) (2016)
de Amat Escalante
publié le mercredi 19 juillet 2017

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Lion d’argent au Festival de Venise 2016

Sortie le mercredi 19 juillet 2017


 


Le jeune réalisateur mexicain Amat Escalante nous livre un quatrième long métrage, après les très remarqués Sangre (2005), Los bastardos (2008) et Heli (Prix de la mise en scène à Cannes 2013). Son cinéma ne nous a pas habitués à la facilité : il est très cérébral, marqué sur le plan esthétique par un travail intense sur l’image, les plans fixes et les scénarios, dont il est également auteur ou coauteur.

La Région sauvage commence comme un drame familial, si ce n’est ce plan étrange où l’on voit une jeune fille accroupie, pénétrée par un tentacule étrange qui semble lui procurer du plaisir. Il s’agit d’une image presque subliminale, mais le film va crescendo.


 

Comme tous les autres films du cinéaste, celui-ci a été tourné à Guanajuato, sa très catholique région natale - une région où des associations ont pu s’opposer à des manuels scolaires qui montraient des organes génitaux. Escalante assure qu’il n’a subi aucune pression, sans doute parce que la sexualité, comme dans les rêves érotiques ou les livres de sorcellerie, est matérialisée ici par un monstre et non par un être humain. Ce déplacement de l’objet érotique est plus violent et frappe d’autant plus l’imagination, mais contourne la censure.


 

Par sa construction, sa narration impeccable, et son intrigue qui, finalement ne parle que de désir homosexuel inavoué et d’attirance pour le sexe dans ce qu’il a de plus brutal, le film ne laisse pas indifférent. Il montre un couple avec deux enfants, qui vit tranquillement alors que le mari a une relation homosexuelle secrète avec son beau-frère, tout en la niant. C’est lorsque l’épouse va rencontrer une jeune fille, que leur vie va changer, à cause de ce monstre fascinant qu’un couple de savants fous héberge dans une cabane au fond des bois, comme dans tout conte de fées.


 

On ne peut s’empêcher de penser à Buñuel, évidemment, mais surtout aux deux premiers réalisateurs à mettre en scène l’aspect purement bestial du désir sexuel, lorsqu’il est privé de tout sentimentalisme : Walerian Borowczyk et Andrzej Żuławski, qui ont chacun montré, dans La Bête (1975) et dans Possession (1981), une femme en proie au désir irrationnel provoqué par une bête, jusqu’à la démesure et la folie. La différence ici, c’est que ce monstre tentaculaire ne procure que du plaisir et de la joie aux femmes (et in fine à l’homme) avec lesquelles il s’accouple de manière extravagante.

Le responsable des effets spéciaux, Peter Hjorth, qui a travaillé avec Lars von Trier, a créé une sorte de pieuvre indéfinissable, à laquelle son auteur même peine à donner sens et apparence : "La créature devait pouvoir avoir des relations sexuelles avec les humains, c’est donc devenu sa principale caractéristique. Je voulais aussi qu’elle soit mystérieuse et qu’elle attire le regard, qu’elle soit sensuelle en quelque sorte. Je la trouve à la fois séduisante, grotesque et sale."
Tout comme le désir qui, pourtant, dirige le monde et la vie.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

La région sauvage (La region salvaje). Réal, sc : Amat Escalante ; sc : Gibran Portela ; ph : Manuel Alberto Claro ; mont : Fernando de la Peza & Jacob Secher Schulsinger ; mu : Guro Moe, Lasse Marhaug & Martin Escalante. Int : Ruth Ramos, Simone Buccio, Jesus Meza, Eden Villavicencio (Mexique-Danemark-France-Allemagne-Norvège-Suisse, 2016, 99 mn).

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