Si vous n’aimez ni la mer, ni la pêche, ni le poisson, ni la vodka, ni l’absurde, passez votre chemin.
Sinon, savourez ce film bizarre, au scénario improbable mais captivant, mettant en scène Ágoston, qui, récemment licencié, quitte sa famille en Slovaquie pour parcourir l’Europe de l’Est à la recherche d’un nouvel emploi et le désir de pêcher un gros poisson.

L’histoire commence par une scène d’usine sinistre, où l’on assiste, comme dans la plupart des pays du monde, à un discours lénifiant d’un chef d’entreprise sur les mérites de ses ouvriers avant qu’il en licencie la moitié.
Ágoston, alors que sa femme continue à travailler, semble parfaitement s’adapter à sa nouvelle vie d’homme au foyer sauf qu’il ne sait pas faire grand-chose, à part casser le lave-linge.

Mais apparemment, il ne s’y adapte qu’en surface.
Il part alors sur les routes, occasion de nous montrer la rencontre de différents individus dans des situations cocasses parfois, glauques souvent : dans un bar où il faut se déshabiller pour avoir une bière gratuite ; dans une entreprise qui le licencie aussitôt pour un retard fictif ; à la rencontre d’une femme étrange qui transporte avec elle un lapin sans oreilles, dont il héritera.

György Kristóf et ses scénaristes dressent ici le portrait d’une nouvelle Europe fauchée par la crise et complètement désenchantée, où les nouveaux riches, en l’occurrence un jeune Russe hors limites qui vit avec une quasi-poupée gonflable vivante, sont la preuve de la folie du monde.
La vodka et la bière coulent à flots, souvent de pair.

Ce film grinçant met mal à l’aise même si, à la fin, Ágoston semble avoir enfin trouvé un refuge rassurant et protecteur. Dans la cabine étroite d’un bateau qui ravage la Baltique d’une pêche industrielle honteuse, il attend d’attraper enfin le gros poisson de ses rêves.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 381, été 2017

Out. Réal, sc : György Kristóf ; sc : Eszter Horvath, Gabor Papp ; ph : Gergely Poharnok ; mont : Adam Brothanek, Lszlo Dunai. Int : Sandor Terhes, Eva Bandor, Judit Bardos, Guna Zarina (Slovaquie-République tchèque-Hongrie, 2017, 88 mn).