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Confident royal (2017)
de Stephen Frears
publié le mardi 3 octobre 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 382-383, automne 2017

Sortie le mercredi 4 octobre 2017


 


"Tiré de faits réels. Ou à peu près." Cet avertissement succède à l’interdiction de prise de vues au smartphone durant la projection, émise par Universal, le distributeur du film de Stephen Frears Victoria and Abdul, en français, Confident royal.
La relation privilégiée entre la monarque britannique (il s’agit bien d’elle) et un roturier indien de confession musulmane a fait l’objet, en 2010, d’un livre de la journaliste Shrabani Basu, qui eut accès, paraît-il, à des documents longtemps gardés sous le boisseau.

Lee Hall, l’auteur du script de Billy Elliot, de Stephen Daldry (2000) scénarisa ces tardives révélations sur la figure emblématique de l’époque la plus corsetée de l’histoire du Royaume-Uni. Stephen Frears semble avoir retrouvé à la fois la source d’inspiration qui avait fait le succès de The Queen (2006), et celle qui avait largement contribué à la réussite de Philomena (2013), à savoir la grande comédienne Judi Dench.


 

Une accointance des plus singulières. Mohammed Abdul Karim a vingt-quatre ans lorsqu’il est engagé par la Couronne dans le cadre de la gigantesque opération de communication autour du Jubilé d’or de 1887. Il sert la reine à table, parvient rapidement à gagner son attention puis sa sympathie.


 


 


 

Rapidement promu munshi ou professeur, il l’initie à la civilisation indienne et à la langue urdue. Une réelle intimité s’installe entre le jeune sujet issu des confins de l’Empire et la souveraine en fin de règne.
Comme dans un conte de fées, la vieille femme maussade et mélancolique retrouve, par magie, goût à la vie. Cela s’explique par sa volonté d’échapper au cadre confiné de la cour, mais aussi par une certaine ouverture d’esprit de sa part.


 


 

Inutile de dire que le beau brun ténébreux tire profit de certains avantages obtenus par favoritisme, au grand dam de l’entourage de la dame.


 

Cette amitié, qui dure jusqu’à la mort de la reine en 1901, fait jaser une cour plus victorienne que Victoria, où la notion de classe semble plus stricte encore que celle de caste. Le munshi est un intrus. Une fronde contre lui se dessine. Côté domestiques, en un bref passage renoirien, il se voit claquer la porte au nez par les petites mains du château de Balmoral.

Le film prend parti pour ce couple aussi improbable que celui de Harold et Maude, de Hal Ashby (1971), sans pour autant jamais forcer le trait. La douceur et le charme du jeune homme, ainsi que sa culture, parlent en sa faveur.


 

Cependant, son caractère ambigu, voire manipulateur, n’est pas dissimulé. Certains signes, comme sa prétendue extraction aristocratique, son coming out d’homme marié, son révisionnisme historique en faveur de l’Islam montrent qu’il est arriviste et affabulateur. Stephen Frears note en passant qu’Abdul importe pour la première fois en Angleterre la coutume (toujours problématique) de la burqa. L’image de la reine est nuancée. Ses goûts, cependant, sont simples, plébéiens : faiblesse pour la bonne chère, penchant pour l’opéra comique de Gilbert et Sullivan plutôt que pour le bel canto de Puccini, attrait de la nature.

Victoria & Abdul est un superbe divertissement qui s’adresse à tous les publics et peut avoir divers degrés de lecture. Le film est une réhabilitation de la reine Victoria, dont on apprécie la tolérance et la liberté d’esprit face à un establishment figé dans ses préjugés et dont la violence latente est sensible.
Mais surtout, le spectateur en a pour son argent... Il est transporté dans les palais et les parcs de la monarchie britannique. Un soin maniaque a été apporté aux décors, aux costumes et à la reconstitution des fêtes et banquets. Les dialogues, vifs, toujours amusants, sont irrésistibles. Last but not least, tous les rôles sont magistralement interprétés et mis en scène.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°382-383, automne 2017


Confident royal (Victoria & Abdul). Réal : Stephen Frears ; sc : Lee Hall, d’après Shrabani Basu ; ph : Danny Cohen ; mont : Melanie Oliver ; mu : Thomas Newman. Int : Judi Dench, Ali Fazal, Michael Gambon, Olivia Williams, Eddie Izzard, Simon Callow (USA-Grande Bretagne, 2017, 112 mn).



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