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Éditeur (2016)
de Paul Otchakovsky-Laurens
publié le mardi 28 novembre 2017

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 29 novembre 2017


 


Après avoir réalisé en 2007, Sablé-sur-Sarthe, Sarthe, pour s’interroger sur les silences de son enfance, Paul Otchakovsky-Laurens revient à la caméra dix ans plus tard et se remet en scène accompagné de son double, une poupée d’adolescent, imaginée par Gisèle Vienne.


 

L’éditeur, plus connu sous l’acronyme P.O.L., a depuis longtemps pignon sur rue, mais il continue à douter de sa vie et du métier même d’éditeur. Ce film pose la question fondamentale : pourquoi les uns écrivent et d’autres les éditent ? Qu’est-ce qui pousse à vouloir décider du sort d’un manuscrit et, partant, d’un écrivain ? Avec sincérité, parfois seul ou flanqué de son double marionnette, parfois remplacé par une voix-off parce qu’il se trouve piètre comédien, P.O.L. crève l’écran.

Un acteur et une actrice y jouent également les rôles de deux auteurs ; l’une est heureuse car son manuscrit est finalement accepté, l’autre se voit refusé, après avoir fait le tour de Paris, ce qui permet à P.O.L. de retracer pour nous le cheminement de sa carrière. Le cinéaste-éditeur avoue qu’il aurait aimé réaliser ce film à la manière de Avi Mograbi et qu’il y eût des sous-titres en hébreu.


 


 


 

Muet à l’écran, il s’impose dans ses bureaux, dans son métier de lecteur et de découvreur de talents littéraires. Ce film donne presque envie d’écrire, pas parce que cela paraît facile, mais parce qu’on a l’impression que l’éditeur lit tout, s’occupe de tout - il se montre même bienveillant avec des assistantes d’une blondeur vénitienne préraphaélite. La bonne idée du film est de faire dire par les acteurs des extraits des lettres de motivation des auteurs et des réponses que l’éditeur leur a faites.

Malgré quelques lenteurs, notamment les deux séquences en noir & blanc qui se voudraient ironiques et légères et ne font pas trop mouche, on apprécie ce beau travail qui se termine par un magnifique poème de Antoine Vitez que P.O.L. a publié au tout début des années 80. Ce film est aussi l’occasion pour lui de revenir sur les écrivains qu’il a découverts, entre autres Michel Manière, qui apparaît dans le film, mais aussi Marc Cholodenko, son premier auteur édité - et de présenter ses (rares) proches collaborateurs.


 

Dans le dossier de presse, semblable à un petit ouvrage blanc de la maison au logo si particulier, qui évoque, selon l’éditeur, le K.O. du jeu de go, on découvre cet aveu : "Je suis très attentif à laisser survenir ce qui est différent, perturbant, incongru, inattendu. Le problème était de tout faire tenir à l’intérieur d’un seul film."

Apparemment, c’est pari tenu : le film se tient et nous tient presque en haleine avec, parfois, de petites touches d’humour so british, comme ces courts envois d’auteurs : "J’espère que vous prendrez autant de plaisir à lire ce manuscrit que j’en ai chié à l’écrire" ou encore : "Sachez qu’il m’a fallu vingt ans pour accoucher de ce livre dans sa version actuelle." La littérature, en effet, est bien un sport de combat.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Éditeur. Réal, sc : Paul Otchakovsky-Laurens ; ph : Emmelene Landon ; mont : Camille Cotte. Int : Jocelyne Desverchères, Anthony Moreau (France, 2016, 83 mn). Documentaire.

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