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Goltzius et la Compagnie du Pélican (2012)
de Peter Greenaway
publié le samedi 15 mars 2014

par Laetitia Kulik
Jeune Cinéma n°258, mars 2014

Sortie le mercredi 5 février 2014


 


Goltzius et la Compagnie du Pélican est le dernier "opus" de Peter Greenaway. Opus, car c’est bien d’une composition, d’un spectacle qu’il s’agit. En proposant ici une illustration de la vie du Danois Hendrik Goltzius, peintre et graveur d’œuvres érotiques du 16e siècle, Greenaway achève un second volet de type biographique après La Ronde de nuit sur Rembrandt en 2008.


 

Afin de subvenir aux besoins de sa troupe, Goltzius fait appel au marquis d’Alsace (le Margrave) et lui promet un ouvrage regroupant les histoires érotiques illustrées de l’Ancien Testament en échange de son soutien financier. Afin de le convaincre, Goltzius met en scène avec sa troupe six de ces histoires, pendant six journées au bout desquelles il pourra donner son verdict. À la troupe de faire ses preuves en donnant à voir ces illustrations vivantes de traîtrises et péchés charnels.


 

Le réalisateur revient à une forme déjà utilisée dans The Baby of Mâcon, avec une scène centrale dont nous sommes les spectateurs-voyeurs, et au centre de laquelle se trouve le plus souvent un lit, lieu de luxure et de dépravation. Représentation et réalité se mélangent en un spectacle qui rentre dans le grotesque esthétique, le maniérisme des gestes et des mots, une fusion d’images sublimées par les prouesses infographiques. Un film de Peter Greenaway dans la maîtrise de son langage.


 

Greenaway excelle dans l’art de composer ses images et d’enrichir visuel, sonore et intrigue de moult références et esthétismes. On pourrait parfois saturer de tant de fioritures, mais là est aussi la touche de l’auteur qui fait surgir de la cacophonie visuelle et sonore des éléments d’intrigues nous menant à nous interroger sur ce qui est du fictif ou de la "réalité", de la beauté ou du vulgaire, de la bienséance ou de l’immoralité.


 

On arrive à une œuvre didactique qui condense ce que présentaient déjà d’autres de ses films : l’univers du peintre (Meurtre dans un jardin anglais, La Ronde de nuit), l’utilisation d’images superposées ou calques (Prospero’s Book, The Pillow Book) ou encore le récit sous forme de saynètes (The Baby of Mâcon), ici en flashback pour narrer les événements qui ont conduits à la position confortable de l’auteur.


 
 

Le spectateur se retrouve étrangement en abyme. Là où le spectacle devrait être donné pour le marquis, le marquis devient lui-même acteur des derniers tableaux. Ce qui devait rester du domaine de la scène se fait réel, pour passer, comme dit Goltzius "de la métaphore à une réalité sanglante".
Et si l’histoire nous est directement contée, ce n’est que dans le dernier plan que nous sommes directement apostrophés, de manière légère et cynique après le récit de tant d’événements et un tel condensé d’informations et d’illustrations qui ne manqueront pas de toucher, malgré certaines répétitions, les spectateurs dans la salle.

Laetitia Kulik
Jeune Cinéma n°258, mars 2014


Goltzius et la Compagnie du Pélican (Goltzius and the Pelican Company). Réal, sc : Peter Greenaway ; ph : Reinier van Brummelen ; mont : Elmer Leupen ; déc : Buffy Hall. Int : F. Murray Abraham, Halina Reijn, Vincent Riotta, Anne Louise Hassing, Pippo Delbono (Grande-Bretagne-Pay-Bas-France-Croatie, 2012, 128 min).



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