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Ciao Ciao (2017)
de Song Chuan
publié le mardi 24 avril 2018

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 25 avril 2018


 


Pour son deuxième film, après Huan Huan en 2011, Song Chuan retourne dans son village natal, au Yunnan, pour nous offrir un portrait à la fois esthétique, réaliste et poétique d’une jeune fille dont le prénom, Ciao Ciao, évoque bien sûr le salut italien, mais traduit du chinois le mot "hasard", et "incarne l’idée d’un destin finalement très hasardeux", comme le précise Song Chuan. "Personne ne maîtrise rien. Dans notre époque étrange, saturée d’informations et de stimulations, on finit par toujours devoir réagir à chaud, ce qui constitue une sorte de compromis et d’indifférence à ce qu’il se passe en profondeur. Toute révolte semble inutile".


 

La mise en scène est faite de plans fixes, et d’une image aux couleurs superbes, dues au directeur de la photographie Li Xuejun, ce, qui lui confère un charme proche du conte, sublimant les paysages et les visages - notamment ceux de Liang Xueqin qui interprète Ciao Ciao, et de Zhang Yu dans le rôle de son mari, Li Wei - en magnifiques peintures chinoises, frôlant, d’ailleurs parfois, l’esthétique des dépliants touristiques.


 

Ciao Ciao commence par un long plan fixe sur un paysage dans lequel on voit un train se déplacer lentement de droite à gauche. La caméra prend son temps, comme si le temps n’existait plus dans cette Chine passée, avec l’accord du Parti, à une économie de marché qui rend tout absurde, cruel et mercantile.
Ce n’est pas le seul train qui traversera les plans du film, comme pour ponctuer les rêves de voyage vers la grande ville, Canton, de ces milliers de Chinois en proie, comme le monde occidental, au rêve fou du capitalisme : l’enrichissement personnel coûte que coûte.
La beauté des images et des visages, la lenteur des événements et des gestes sont volontairement mis en opposition comme pour bien montrer l’ambivalence du monde chinois pris entre la modernité, incarnée par Ciao Ciao et le jeune coiffeur qui la courtise, et la tradition que les parents et l’époux de Ciao Ciao tentent de maintenir.


 

Ciao Ciao n’est pas que poétique, c’est aussi un film très réaliste qui montre la dureté de la société chinoise où les valeurs anciennes ont disparu pour laisser place, dans le village, à la corruption et à la mort : prostitution quasi généralisée des jeunes filles, vente de psychotropes et d’alcool frelaté par le père de Li Wei.
Les multiples accouplements de Li Wei et de Ciao Ciao sont filmés d’une manière crue, quasiment anatomique. Song Chuan décrit le couple comme inséré dans une relation marchande, où l’amour ne parvient pas à trouver sa place et où règnent vide sentimental et profonde solitude.


 


 

Pourtant, le film ne veut pas seulement dénoncer une société pourrie.
Il démontre que les vies intérieures sont toujours vivantes.
À partir du moment où Li Wei découvre que son épouse le trompe, l’histoire du couple se réveille et devient autre. On bascule dans le drame et, du coup, le beau décor d’un monde pauvre et matérialiste devient le cadre de la folie, de la jalousie et de la transgression, qui ont, de tous temps, défini l’humanité.


 

Le film est magnifié par une musique étrange écrite par Sulumi, alias Sun Dawei, pionnier de la musique électronique en Chine.
Une bande-son qui n’interfère jamais sur le récit.
On entend une mouche voler, à l’instar de Ciao Ciao prise dans les rets de sa famille, du village et du mariage comme une mouche dans un pot de miel.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Ciao Ciao. Réal, sc : Song Chuan ; mont : S.C. & Jean-Marie Lengellé ; ph : Li Xuejun ; mu : Sun Dawei, me:mo, Wang Jong-Kuen, Nara, Ayrtbh, Yuan Sihan, Jean-Christophe Onno. Int : Liang Xueqin, Zhang Yu, Hong Chang, Zhou Lin, Wang Laowu, Zhou Quan (France-Chine, 2017, 90 mn).



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