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Dark River (2017)
de Clio Barnard
publié le mercredi 11 juillet 2018

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 11 juillet 2018


 


Réalisatrice en 2013 du Géant égoïste, stupéfiant de beauté tragique, Clio Barnard déploie avec Dark River une verve dramatique hors du commun, sur un sujet pourtant d’une sensibilité extrême - l’inceste d’un père sur sa fille et la relation conflictuelle entre le frère et la sœur. L’histoire se situe dans les vallons verdoyants et peu habités du Yorkshire, des troupeaux de moutons entourent une grande ferme de pierres sèches. À l’intérieur règnent la saleté et le désordre quand revient, après quinze ans d’absence, Alice (Ruth Wilson) pour retrouver son frère Joe (Mark Stanley), après la mort de leur père (Sean Bean).


 

Joe reproche à sa sœur de n’être pas venue durant ces longues années. "Je n’aurais jamais pu le regarder en face" : dans sa réponse, surgit d’implacable façon l’atroce vérité d’un inceste. Ce que son frère avait enfoui, ce que le temps avait étouffé, ce que la mort du père avait peut-être effacé, revient avec force et colère. Malgré cette souffrance commune, chacun désire vivre librement dans la maison du père, imposant ses idées sur la gestion, la tonte des moutons, l’avenir.


 

S’installe alors une lutte sans merci entre le frère et la sœur pour la conduite de la ferme, sorte d’exutoire à l’horreur d’une enfance gâchée, à l’évidence d’un père criminel envers sa fille, à la culpabilité du frère envers sa sœur pour ne pas l’avoir protégée.
Tout est dit, dans une économie de moyens - suggestions d’images, toujours les mêmes, flashs brefs et répétitifs du père revenant face à Alice comme un cauchemar, leitmotiv d’une blessure inguérissable.


 


 

Les mots ne sont que peu utilisés, c’est dans le regard et le silence des plans fixes sur les visages que passent la succession des sentiments. Chez Joe, le visage s’anime, lentement, de la rancœur à la compassion puis à l’infinie tendresse pour sa sœur, ce qui redouble sa fureur contre lui-même de n’avoir pas agi.


 

Clio Barnard, dans son style personnel et avec son talent certain, met en scène les moments de conflits avec véracité, en s’investissant dans la conscience des personnages, elle parvient à les maintenir dans une tension rare, à faire de leur présence à l’image un creuset d’emportements et de passions.


 

Par la rareté du dialogue, elle transcende le cinéma réaliste, réglant le sien sur la pulsation et l’accélération du rythme cardiaque. Un film choc, qui joue avec la brutalité des corps et des expressions muettes. Dans un paysage aux couleurs sombres de verts profonds, son récit prend des tonalités sourdes et ténébreuses d’où la lumière semble à jamais exclue.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Dark River. Réal, sc : Clio Barnard ; ph : Adriano Goldman ; mont : Nick Fenton & Luke Dunkley ; mu : Harry Escott. Int : Ruth Wilson, Mark Stanley, Sean Bean, Esmé Creed-Miles (Grande-Bretagne, 2017, 89 mn).



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