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Black Indians (2018)
de Jo Béranger, Hugues Poulain & Édith Patrouilleau
publié le mercredi 31 octobre 2018

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 31 octobre 2018


 


Le documentaire de long métrage Black Indians, coréalisé par Jo Béranger, Hugues Poulain et Édith Patrouilleau, produit par Lardux, est consacré, comme son titre l’indique, aux Amérindiens métissés d’africanité vivant en Louisiane et regroupés en une Washita Nation.


 

À base de travellings latéraux embarqués sur le Mississippi, le générique nous fait découvrir le bayou, une magnifique forêt, des oiseaux de la région, dont un exemplaire de majestueux héron, un crocodile à fleur de l’eau, une tortue, tandis que résonne, accompagnée à la guitare, une voix d’homme interprétant Like an Angel. On enchaîne en fondu sonore sur des plans aux teintes saturées d’une Nouvelle Orléans post-Katrina.


 


 


 

D’emblée nous sont présentés des témoignages de Noirs américains se revendiquant également Indiens depuis plusieurs générations, "depuis plus longtemps, dit l’un d’eux, que l’invention du jazz". Un ancien militant des Black Panthers donne sa version de l’histoire, faisant remonter leur spécifique métissage à la période où les esclaves se refugiaient dans le bayou pour échapper aux mauvais traitements et étaient amenés à cohabiter, de gré ou de force, avec des tribus indiennes.


 


 


 

Un des représentants de cette communauté afro-indienne, bijoutier de son état, réalise des costumes chamarrés de perles et de plumes pour l’événement annuel, festif par excellence, que représente le Mardi-Gras.
Cette activité sera développée, en montage parallèle, durant tout le film avec les répétitions de musique et de danse avant, bien entendu, qu’on ait un aperçu de la parade finale, véritable éblouissement de couleurs. Cette célébration au départ religieuse, d’origine catholique, ne tarda pas à être détournée, aux Antilles comme dans nombre de pays d’Amérique latine, en fête animiste, voire païenne, célébrant, dans le cas qui nous occupe, la fusion, historique ou mythique, entre les hommes et les esprits et, plus particulièrement, les peuples de diverses ethnies occupant la Louisiane.


 


 


 

Des photos anciennes montrent la présence, en une même famille indienne, de différents types de peau. Il est rappelé aussi le passage de Buffalo Bill dans la région qui a, semble-t-il, joué un rôle doublement important, valorisant, par ses shows, les Indiens d’Amérique et favorisant, c’est probable, le mélange, durant son long séjour dans la région. Enfin, une séquence est consacrée à Congo Square, jardin public établi sur un cimetière indien, lieu à la fois sacré et récréatif, après avoir été aussi, au 18e siècle, un marché aux esclaves.


 


 

Cinématographiquement parlant, le film s’inscrit dans la lignée de Black Indians : an American History, mais aussi de documentaires musicaux tels que I am the Blues ou Rumble : The Indians Who Rocked the World (2017) (1). Mais alors que ce dernier faisait intervenir des spécialistes, notamment des musicologues, ici, les interviewés sont des gens du quartier qui se souviennent et rêvent une communauté pour partie imaginée - les tribunaux américains ont jusqu’ici estimé que la nation Washita est fictive et ne peut donc être reconnue comme souveraine.


 


 

Le film de carnaval est un genre cinématographique en soi. On sait, au moins depuis Mikhail Bakhtine (2) que le carnaval signifie le renversement temporaire des valeurs ainsi que des hiérarchies sociales que celles-ci visent à maintenir.
La Washita Nation célèbre avec ferveur une utopie, il n’empêche que cette commémoration est devenue, le temps ayant œuvré, on ne peut plus réelle. Au-delà du syncrétisme qu’implique la quête sans fin des origines, le film conclut que la seule et véritable église est celle de la musique et de la danse.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Black Indians : an American History de Chip Richie (2001) ; I am the Blues de Daniel Cross (2015) ; Rumble : The Indians Who Rocked the World de Catherine Bainbridge & Alfonso Maiorana (2017).
NDLR : On notera également la série Treme créée par David Simon & Eric Overmyer (36 épisodes de 60 minutes, 2010-2013).

2. Mikhail Bakhtine, LŒuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance , traduction de Andrée Robel, Paris, Gallimard, 1970. Cette étude est la thèse de Mikhail Bakhtine (1895-1975), déposée à l’Institut Gorki de littérature mondiale en 1940, et éditée à Moscou en 1965.

Black Indians. Réal, sc : Jo Béranger, Hugues Poulain & Édith Patrouilleau ; ph, mont, son : Hugues Poulain ; mont : Édith Patrouilleau ; son : Jo Béranger (France, 2018, 92 mn). Documentaire.



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