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Family Film (2015)
de Olmo Omerzu
publié le mercredi 7 novembre 2018

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 7 novembre 2018


 


Le jeune réalisateur slovène Olmo Omerzu traite d’une famille nucléaire : ni monoparentale, ni recomposée, ni issue du mariage pour tou-te-s. Tourné et pour partie produit en Tchéquie, Rodinny Film (2015) (traduit en français par... Family Film) dissèque froidement une maisonnée traditionnelle que complète l’animal de compagnie, Otto, le toutou.


 

L’action se situe à Prague, que l’on verra finalement peu, dans un superbe appartement de style ancien mais parfaitement rénové, immaculé, professionnellement décoré.
Les parents, un couple de quinquas à l’allure libertaire, ce qui ne cadre pas vraiment avec leur standing, partent en croisière dans les mers du Sud en embarquant dans l’aventure le canidé. Ils laissent leurs deux ados à la maison, leur prodiguent conseils et consignes et leur confient une carte bleue. "On correspondra par skype".


 

Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Le garçon et la fille remplacent illico presto leurs vieux par deux camarades de leur âge qu’ils invitent à la maison. Le quatuor fait l’apprentissage de l’amour et, d’une certaine manière, de l’anarchie. La fille s’investit dans le rôle de la maîtresse de maison, tandis que le garçon s’initie aux jeux d’Éros - et à ses tourments.


 


 

La scène d’errance de l’adolescent sur les quais enneigés de la Vtalva, une bouteille de vodka à la main, nous fait songer à la séquence du parc hivernal dans Faute d’amour (1). C’est sans doute un des plus beaux passages du film, le seul qui nous permette de sortir du huis clos. L’enfant vit un double abandon, ayant perdu la connexion Internet le reliant virtuellement à ses parents. Cette disparition façon Antonioni rappelle également le film de Zvyagintsev.


 


 

Omerzu et son habile scénariste, Nebojša Pop-Tasić, nous entraînent sur des chemins imprévus, en faisant intervenir un nouveau personnage : l’oncle. Ils posent la question de la filiation - et de la désaffiliation - en levant le voile sur un secret de famille digne de La Sonate des spectres (2).
Parallèlement, le film se développe dans sa dernière partie comme une robinsonnade canine. Otto, perdu sur une île déserte, se donne un mal de chien pour survivre.
Rodinny Film mélange les genres du documentaire animalier avec ceux du coming of age movie, du film d’aventures, du reportage médical, du drame, voire du mélodrame.
Il s’achève sur un happy end inattendu comme un vrai film de famille, La Fidèle Lassie (3).


 

Le ton du récit, distancié, parfois pince-sans-rire, lui donne son unité. Le film est divisé en séquences courtes, elliptiques où les non-dits l’emportent sur les explications fournies par les dialogues. On ne s’y parle guère, le bruit des appareils électroniques couvrant celui des mots, la lumière des écrans détournant les regards des gestes et mimiques réels. Chacun y cache son jeu. Le seul être doué d’empathie est Otto. De même que dans Dogman (4), c’est en l’animal que transparaît l’humanité.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Faute d’amour (Nelyubov) de Andrey Zvyagintsev (2017).

2. La Sonate des spectres (Spöksonaten) drame en 3 actes de August Strindberg (1907), création en 1908, à Stockholm, au Strindbergs Intima Teater. Au cinéma : Spöksonaten de Johan Bergenstråhle (1972) ; La Sonate des spectres de Ivan Heidsieck (2015).

3. Fidèle Lassie (Lassie Come Home) de Fred M. Wilcox (1943), première adaptation du roman Lassie, chien fidèle (Lassie Come Home) de Eric Knight (1940).

4. Dogman de Matteo Garrone (2018).

Family Film (Rodinny Film). Réal, sc : Olmo Omerzu ; ph : Lukas Milota ; mont : Jana Vlckova. Int : Karel Roden, Vanda Hybnerova, Daniel Kadlec, Jenovefa Bokova (Tchéquie, 2015, 95 mn).



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