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Femme du ferrailleur (la) (2013)
de Danis Tanović
publié le dimanche 26 avril 2020

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

Sélection officielle en compétition de la Berlinale 2013, Ours d’argent.

Sortie le mercredi 26 février 2014


 


Après No Man’s Land (2001), Oscar, Golden Globe et Prix du scénario à Cannes, les autres films de Danis Tanovic, L’Enfer (2005) ou Cirkus Columbia (2010), sont passés un peu inaperçus.
Avec La Femme du ferrailleur (Grand Prix et le Prix d’interprétation masculine à Berlin 2013), le revoici en Bosnie, à la rencontre d’une famille de Roms jouant leurs propre rôies devant sa caméra.


 

Le film place le spectateur, une heure quinze durant, dans un monde fermé, au même titre que la famille de Tziganes, emprisonnés dans leur pays et dans leur condition sociale. La situation est simplissime : Nazif est ferrailleur. Il vit avec sa femme et ses deux petites filles dans une petite ville de Bosnie. Un jour, Senada, son épouse, tombe malade. On l’hospitalise mais le couple n’a pas l’argent nécessaire pour payer l’opération indispensable. Pendant dix jours, Nazif va tout tenter pour sauver sa femme, se heurtant au silence des autorités et des institutions, tout en continuant de chercher encore plus de ferraille pour payer l’hôpital.


 

Le couple a accepté, avec ses filles, de se mettre en scène dans la même situation, revivant l’une ses douleurs, l’autre son angoisse. Tanović va peut-être encore plus loin que le cinéma néoréaliste, de façon plus proche de la téléréalité ou du vrai-faux reportage. "J’ai demandé à Nazif de me raconter son histoire, déclare-t-il, et j’ai noté les moments intéressants pour le film. Ensuite, nous avons reconstitué ce qui s’était passé. Nous n’avions pas de scénario à proprement parler, nous avons juste parcouru chronologiquement un épisode de leur vie. Et je n’avais absolument pas besoin de rendre les choses plus dramatiques car les événements qu’ils ont traversés sont tout simplement incroyables."


 

Même si le film est bien interprété, bien filmé et sans pathos, il y a quand même dans le procédé quelque chose de gênant, dans la mesure où le combat politique semble maintenant de plus en plus remplacé par la mise en scène d’un engagement.
Réaliser un film sur les malheurs d’opprimés, en l’occurrence une famille de Roms, donnerait presque bonne conscience et dédouanerait la morale occidentale de toute culpabilité, et de toute volonté de révolte, d’engagement ou tout simplement d’indignation.


 

Vaste jeu de la culpabilité au cinéma et dans les médias contre laquelle il faudra bien trouver enfin autre chose qu’un certain langage hypocrite pour dénoncer l’état de fait. Ainsi va le monde, démultiplié par les effets d’Internet qui déclenchent un tam-tam planétaire étourdissant. Il ne manquait plus que le cinéma s’y mette, même s’il faut reconnaître à ce film d’évidentes qualités de sobriété et de pudeur.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°358, mars 2014


La Femme du ferrailleur (Epizoda u zivotu beraca zeljeza). Réal, sc : Danis Tanović ; ph : Erol Zubcevic ; mont : Timur Makarevic. Int : Mazif Mujic, Senada Aliumanovic, Semsa & Sandra Mujic (France-Slovaquie-Italie, 2013, 75 mn).



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