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Van Gogh (1948)
de Alain Resnais
publié le samedi 30 mai 2020

Une expérience
par Alain Resnais
Jeune Cinéma n°359, mai 2014

Sélection officielle de la Mostra de Venise 1948
Oscar 1949 du meilleur court métrage "en 2 bobines".


 


Après les études de Jacques Dupont sur ses films tournés au pays des Pygmées, et de Yannick Bellon sur Goémons, (1) nous sommes heureux de publier un article de Alain Resnais, lui aussi ancien élève de l’IDHEC, dont le très intéressant Van Gogh va bientôt, du moins nous l’espérons, sortir commercialement. Alain Resnais, qui fut l’assistant de Nicole Védrès pour Paris 1900, travaille actuellement à la préparation d’un court métrage sur Guernica de Picasso (2).

Ciné-Club n° 3, décembre 1948.


 


Depuis la sortie de Van Gogh, (3) j’ai recueilli de nombreuses critiques. On m’a reproché particulièrement d’avoir trahi la peinture de Vincent Van Gogh. Je voudrais donc profiter de l’article que me demande Ciné-Club pour tenter d’éclairer quelques malentendus.

Avant tout, ce court métrage a représenté, pour Gaston Diehl, Robert Hessens, Jacques Besse, Pierre Braunberger, Claude Hauser et moi, une expérience.
Il s’agissait en effet de savoir si des arbres peints, des personnages peints, des maisons peintes, pouvaient, grâce au montage cinématographique, remplir, dans un récit, le rôle d’objets réels, et si, dans ce cas, il était possible de substituer pour le spectateur, et presque à son insu, le monde intérieur d’une artiste, au monde tel que le révèle la photographie.


 


 


 

Cette expérience d’ordre dramatique et cinématographique n’a donc rien à voir avec la critique d’art, encore moins avec la biographie scientifique. Nous avons volontairement sacrifié l’exactitude historique au bénéfice du mythe Van Gogh. Nous avons souvent substitué l’évolution de son œuvre à celle de sa vie.


 

Si nous avons choisi le noir et blanc de préférence à la couleur, ce ne fut pas seulement en raison de de difficultés techniques. Nous espérions qu’ainsi apparaîtrait mieux l’architecture tragique de la peinture de Van Gogh.


 

La multiplicité des plans (presque aussi nombreux que dans un grand film) obligeait à donner à la musique une importance prépondérante. Elle n’était plus là pour "accompagner" des images, mais pour créer l’ossature même du film. C’est à elle que revenait le rôle de souder les œuvres entre elles et de rendre cohérent l’univers de Van Gogh. C’est ce que Jacques Besse a, je crois, fort bien compris.


 

Toutefois, nous nous sommes toujours efforcés de ne point substituer à l’œuvre du peintre une dramatisation arbitraire dont le mode d’action sur le spectateur serait entièrement étranger au tableau. Nous espérons que le minimum de méthode ne tourne pas ici au procédé. Nous avons cherché à ce que la caméra et la pellicule soient avant tout les révélateurs d’une émotion picturale.

Alain Resnais
Ciné-Club n° 3, décembre 1948

1. Ciné-Club (1947-1954 était l’organe de la Fédération française des ciné-clubs.
Elle est indexée sur le site Calindex.
* La référence renvoie aux trois premiers films de Jacques Dupont (1921-2013), assisté par Edmond Séchan et Pierre-Dominique Gaisseau, des courts métrages réalisés au cours de la Mission Ogooué-Congo en 1946 : Au pays des Pygmées, Pirogues sur l’Ogooué et Danses congolaises.
* Goémons de Yannick Bellon, sélectionné à la Mostra de Venise 1948, est sorti en 1949.

2. Paris 1900, de Nicole Védrès réalisé en 1946, est sorti en 1948.
Guernica de Robert Hessens & Alain Resnais, sur un scénario de Paul Éluard est sorti en 1950.

3. Le film intégral sur Internet.


Van Gogh. Réal, mont : Alain Resnais ; sc : Gaston Diehl, Robert Hessens ; ph : Henry Ferrand ; mu : Jacques Besse. Avec Claude Dauphin (France, 1948, 20 mn).



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