home > Films > Tandis que j’agonise (2013)
Tandis que j’agonise (2013)
de James Franco
publié le dimanche 14 décembre 2014

Tandis que j’agonise (As I Lay Dying)
de James Franco (2013)

par Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma n°352-353, été 2013

Sélection Un certain regard Festival de Cannes 2013

Ils sont nombreux les prix Nobel inconnus, et aussi les méconnus, y compris dans leur propre pays.

Faulkner (Nobel 1949), lui, est plutôt oublié, avec tout le 20e siècle, dans les mémoires des parents cultivés.
Ou disons relégué, comme une vache sacrée.

À Hollywood, il refusait d’adapter ses romans pour le cinéma.
Seul ou en groupe, cré- dité ou non, il préférait écrire des scénarios inédits, surtout pour Howard Hawks, ou adapter les romans des autres.
Les autres, eux, se sont très peu confrontés à son œuvre.
Et de ses cinq romans les plus célèbres (sur 19), on ne trouve au cinéma que le primitif The Story of Temple Drake de Stephen Roberts (1933), puis Sanctuaire de Tony Richardson (1961), ou The Sound and The Fury de Martin Ritt (1959).

Ni Lumière d’août ni Absalon, Absalon !

En 2013, donc, nous avons Tandis que j’agonise.

C’est que James Franco, né à Palo Alto en 1978, dans une famille d’intellectuels américains, nourri aux bons auteurs, ne craint pas de s’attaquer aux vaches sacrées.

Dans ce voyage mouvementé des obsèques de la mère, il y a la pauvreté des fermiers, la fermeture entêtée des pionniers, le pré carré des familles avec leurs secrets, face à la fureur du dieu et de ses quatre éléments, avec, comme go-between, le respect de la parole donnée.
Il y a aussi la beauté de l’orage, celle des garçons, celle des rituels.

Avec son petit budget, Franco réussit à convoquer tout cet imaginaire du vieux Mississipi, tissé par “le bien et le mal”, contrarié par “la chair”, et travaillé par des vies intérieures sans verbalisation.

Car il n’adapte pas le roman, il le “traduit” en film.

On lui a reproché, à l’envi, le split screen systématique.
Pourtant le pari est tenu.
Jadis méthode artificielle, elle est devenue naturelle grâce aux jeux vidéos.

C’est surtout un joli équivalent du stream of consciousness, la trouvaille de Faulkner pour nuancer le monologue intérieur, inventé par Édouard Dujardin et magnifié par Joyce.

Valery Larbaud, découvreur de Faulkner, note [qu’]il suggère ainsi l’image d’une machine à lire et à projeter la pensée, d’une sorte de réflecteur, que le romancier braquerait sur chacun de ses personnages à tour de rôle.
Il aurait été content de Franco.

Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma n°352-353 été 2013

Tandis que j’agonise (As I Lay Dying). Réal, sc : James Franco ; sc : Matt Rager, d’après William Faulkner ; décors : Kristen Adams ; costumes : Caroline Eselin ; phot : Christina Voros. Int : James Franco, Logan Marshall-Green, Tim Blake Nelson, Danny McBride, Beth Grant, Ahna O’Reilly, Jim Parrack, Jesse Heiman (USA, 2013, 110 mn).

Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts