Le milieu des enseignants du supérieur en philosophie était déjà celui où évoluaient les personnages de Comment je me suis disputé (… ma vie sexuelle) dont Emmanuel Bourdieu était co-scénariste. Mais le film d’Arnaud Desplechin brassait large et les imbroglios amoureux y tenaient plus de place que les rivalités professionnelles.

Comme son titre l’indique, Candidature resserre sur la question : film court (45 mn), sujet unique (un concours de recrutement à un poste de maître de conférences à Angoulême) et trois personnages.

La construction en diptyque - deux volets séparés par le sous-titre "Trois ans plus tard" sur le même plan du train Paris-Angoulême amenant Jean (Bruno Podalydès) - permet de reprendre exactement la même situation (audition des candidats devant le jury), mais en la traitant de manière inverse.

La première fois, tout se passe à l’extérieur de la salle de concours (dans le bus, devant la faculté vide) ; la seconde, au contraire, décrit avec un comique acide la dynamique de groupe animant le combat acharné qui se joue entre les quatre murs.

En outre, les places ont changé, puisque Jean a été nommé grâce à une mauvaise action (il n’a pas réveillé son concurrent à la descente de l’autobus) appuyée par un coup de chance (Pauline, choisie par le jury, s’est désistée préférant le poste plus prestigieux de Paris IV - Sorbonne).
Tous deux font maintenant partie de la commission de spécialistes face au pauvre Luc Denoyer à nouveau candidat.
Les enjeux et stratégies sont également différents : Jean veut se racheter, Pauline poursuit sans vergogne les manœuvres que lui dicte son plan de carrière.

Pourtant, rien ne se passera comme prévu, car celui qui a le plus changé est paradoxalement Luc Denoyer, victime trois ans auparavant, passé depuis du statut de brillant chercheur à l’état de loser lamentable, mais qui se révèlera crâneur et roué à la fois.
Du coup, on ne sait pas finalement qui est le plus cynique, l’humour s’appuyant sur ces passages de témoins inattendus, ces renversements de situation qui brouillent le jeu et cassent l’efficacité des calculs de chacun.

Peut-être manque-t-il un peu de chair à ce comique intellectuel, mais la rigueur du projet comme l’habileté de la construction dramatique emportent l’adhésion.
D’autant plus que le cinéaste sait transcender la saveur du regard d’initié sur ce microcosme très particulier pour composer un véritable petit "conte moral" dans lequel le pari aura été de remplacer les sentiments par l’arrivisme.

René Prédal
Jeune Cinéma n°272 décembre 2001

Candidature. Réal : Emmanuel Bourdieu ; sc : E.B. et Marcia Romano. Int : Denis Podalydès, Cécile Bouillot, Scali Delpeyrat, Maurice Bénichou, Geneviève Mnich, Dominique Boissel (France, 2001, 45 mn).