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Queen of Earth (2015)
de Alex Ross Perry
publié le mercredi 9 septembre 2015

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°368, automne 2015

Sortie le mercredi 9 septembre 2015


 


À trois heures de New York, dans la maison de campagne des parents de Virginia (Katherine Waterston), située au bord d’un lac, Catherine (Elisabeth Moss), son amie d’enfance, passe des vacances, espérant retrouver auprès d’elle une nouvelle force de vivre. Le décès récent de son père, un artiste célèbre, lui est insurmontable et la dépression l’envahit lentement au fil des jours. La maison, le jardin, le lac sont les lieux du film, opaques et translucides à la fois.


 


 


 

La caméra de Alex Ross Perry ne lâche pas les visages des deux jeunes filles, elle les traque sans cesse au plus près de la peau, et les fixe dans des expressions de frayeur, de crainte, de suspicion, d’hystérie, de jouissance. Le réalisateur use de superpositions d’images récurrentes, notamment les plans des visages des deux amies s’effaçant sous les feuillages. Les corps, souvent filmés en contre-plongée, exacerbent le déséquilibre, le sentiment de vertige, de surnaturel et de fantastique de cette maison aux espaces carrés surplombés d’une balustrade comme une spirale infernale.


 

Parfois, l’inquiétante étrangeté du regard de Virginia est plus alarmante que l’expression affolée de Catherine. Les visiteurs, deux garçons anodins dont le jeu et l’attitude mystérieuse laissent croire au maléfice à venir, ajoutent à l’atmosphère étouffante de cette maison où manquent l’amitié et la compassion.


 

C’est un journal filmé, tel que pourrait l’écrire Virginia, décrivant l’évolution du comportement agité de son amie Catherine, magnifiquement interprétée par Elisabeth Moss, dont l’expression exaltée illumine le film d’un bout à l’autre d’une fascination et d’un ensorcellement naturel. L’image est éclatante de blancheur, de blondeur, de transparence.


 

Lars Von Trier, dans Mélancholia, choisissait d’exprimer la noirceur profonde de la dépression dans une richesse de plans dignes des plus sombres compositions picturales, citant la mélancolie comme puissante compagne de la création artistique.
À l’inverse de la noire mélancolie, Alex Ross Perry la dépeint comme une explosion de la psyché, un éclatement de soi en fragments de lumière.


 

L’expression du rire de Catherine retentit fortement comme la musique de Keegan DeWitt entre les murs de cette maison, caisse de résonance qui se referme sur elle-même. Un sentiment de malaise habite ces lieux d’où le spectateur ne parvient pas à s’échapper - la maison comme métaphore de la maladie mentale.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°368, automne 2015


Queen of Earth. Réal, sc : Alex Ross Perry ; ph : Sean Price Williams ; mont : Robert Greene ; mu : Keegan DeWitt. Int : Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley, Keith Poulson (USA, 2015, 90 mn).



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