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Cinq tulipes rouges (1948)
de Jean Stelli
publié le vendredi 29 avril 2016

par Philippe Piazzo
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Sortie le mercredi 23 mars 1949


 

Pour saluer son cinquantenaire, Jeune Cinéma a posé une question à ses collaborateurs : Quel film des cent dernières années aimeriez-vous sortir de l’ombre ?
Ce film fait partie des hidden gem (re)découverts à cette occasion.


Le tour de France endeuillé. Pas une, ni deux, ni trois fois... mais cinq fois. Avec, au pied de chaque victime, une tulipe rouge, comme la signature funeste du destin. Ou, plus sûrement, celle du criminel.


 

La coïncidence n’étant plus permise, un commissaire est dépêché. Tête ronde et moustache fournie, c’est Jean Brochard. Figure majeure du cinéma français depuis les années 30, son air sévère et sa rondeur le prédestinent à des rôles de notables où son air soudain effaré ou contrit par les soubresauts du récit fait merveille. Mais ce n’est pas lui, l’étonnante vedette de ce suspense sur les routes de France.


 

Ce pourrait être René Dary, le sympathique chef d’équipe, qui mène ses coureurs avec fermeté et amitié ou les éternels seconds rôles, Raymond Bussières et Annette Poivre, couple uni à la ville comme à l’écran, brusquement promus vedettes ? Mais non.


 

C’est une figure étrange qui nous guide dans cette compétition où les voitures dérapent et où l’on meurt poignardé par un rayon de vélo : la Colonelle, journaliste garçonne, pantalon de flanelle et casquette vissée sur la tête, connaît tous les dessous de la course et saura résoudre l’énigme sur crescendo de musique dramatique.


 

Vu très jeune et par hasard, ce Cinq tulipes rouges sans gloire ni grande valeur cinéphile, préfigure pourtant ce qui, plus tard, impressionne dans de plus grands films : des ombres effrayantes - M le Maudit  -, un personnage double - Psychose  -, un Paris englouti - celui de René Clair et de Fantômas - et une figure androgyne que l’on aimera, dédoublée, dans Sylvia Scarlett.


 

Bien sûr, Jean Stelli, l’auteur du Voile bleu, le grand hit des années d’occupation, (1) n’est ni George Cukor ni Fritz Lang ni Alfred Hitchcock.
Et Suzanne Dehelly, l’inoubliable interprète de Il a mal aux reins, Tintin (2) n’a pas l’allure de Katherine Hepburn. Mais, aux derniers plans, elle s’éloigne avec une étrange mélancolie : "Il faudra bien quelqu’un pour raconter cette histoire..."
Là finit le nanar, et commence le cinéma.

Philippe Piazzo
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

1. Le Voile bleu de Jean Stelli (1942), avec Gaby Morlay, Elvire Popesco, Pierre Larquey, Denise Grey, Noël Roquevert est sorti en 1942.
Remake américain : La Femme au voile bleu (The Blue Veil) de Curtis Bernhardt (1951), avec Charles Laughton et Joan Blondell.
Jean Stelli (1894-1975) a réalisé 31 films entre 1935 et 1961.

2. La chanson Il a mal aux reins, Tintin, paroles de Géo Koger & Pierre Caron, musique de Vincent Scotto (1937) a été interprétée par Suzanne Dehelly, et aussi par Jane Stick et Félix Paquet.


Cinq tulipes rouges. Réal : Jean Stelli ; sc : Charles Exbrayat & Marcel Rivet d’après sa pièce ; ph : Marcel Grignon ; mont : madame Lamart ; mu : René Sylviano. Int : Raymond Bussières, Suzanne Dehelly, René Dary, Annette Poivre, Jean Brochard, Luc Andrieux (France, 1948, 90 mn).



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