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Odyssée de Charles Lindbergh (l’) (1957)
de Billy Wilder
publié le mardi 6 juin 2017

par Vincent Dupré
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Sortie le vendredi 31 mai 1957


 

Pour saluer son cinquantenaire, Jeune Cinéma a posé une question à ses collaborateurs : Quel film des cent dernières années aimeriez-vous sortir de l’ombre ?
Ce film fait partie des hidden gem (re)découverts à cette occasion.


Commençons l’éloge par le commentaire d’un détail risible : la coloration de James Stewart. Cette micro-métamorphose manque lamentablement son but - rajeunir et faire oublier la star, supposée incarner ici un personnage vingt ans plus jeune. Le miscast crève l’écran, ce dont seul James Stewart était dupe. Et cela lui donne un côté nanar, peut-être.


 

Sans doute aurait-il fallu un autre acteur, plus ressemblant, ou se départir complètement du modèle pour assumer la création d’un personnage à plus forte teneur fictive - ce qui n’empêchait pas le respect des faits. Comme un postiche grossier, les cheveux blonds brouillent constamment l’incarnation qu’ils sont supposés favoriser et dérangent par leur fausseté, d’autant plus patente que James Stewart était un acteur à l’apparence particulièrement immuable, l’entreprise mimétique dans son ensemble. Ce détail capillaire court tout au long du film comme le symptôme de son échec en tant que biopic : Charles Lindbergh est aussi mal représenté que sa vie est mal retracée.


 

C’est une version tronquée et édulcorée de celle-ci que Billy Wilder a commise contre son gré - expérience douloureuse de la commande.

Qu’importe. Tant mieux : la réduction du matériau biographique à l’exploit de la traversée de l’Atlantique a (dés)orienté le projet vers un film d’aventures limpide, épuré, sobrement lyrique, armé d’un Scope qui embrasse les éléments, les matières, les couleurs, le cosmos et l’homme au milieu de tout ça, petit, pathétique mais opiniâtre.


 


 

Le cinéaste a raté son unique biopic, mais il a réussi en revanche un tour de force narratif et formel, et sa plus belle réussite plastique avec Irma la douce et La Vie privée de Sherlock Holmes. (1)
Cette odyssée spirituelle d’un Icare victorieux est dans son œuvre une anomalie sublime, et cette chose rare à ne pas confondre avec "un grand film malade" : un grand film malgré lui.

Vincent Dupré
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

1. Ces deux films de Billy Wilder sont postérieurs à L’Odyssée de Charles Lindbergh  : Irma la Douce (1963) et La Vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes, 1970).


L’Odyssée de Charles Lindbergh (The Spirit of Saint Louis). Réal : Billy Wilder ; sc : B.W., Charles Lederer & Weldell Mayes, d’après l’ouvrage de Charles A. Lindbergh ; ph : Robert Burks & J. Peverell Marley ; mont : Arthur P. Schmidt ; mu : Franz Waxman. Int : James Stewart, Murray Hamilton, Patricia Smith, Bartlett Robinson, Marc Connelly, Arthur Space (USA, 1957, 135 mn).



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