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À l’abordage (2020)
de Guillaume Brac
publié le mercredi 21 juillet 2021

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

Sélection officielle de la Berlinale 2020

Sortie le mercredi 21 juillet 2021


 


Après son documentaire L’Île au trésor (2018), Guillaume Brac revient à la fiction avec À l’abordage (2020), son troisième film. Deux jeunes Noirs de la banlieue parisienne partent passer quelques jours de vacances dans la Drôme, dans l’espoir, pour l’un d’eux, de conquérir une belle croisée dans un bal, peu de temps auparavant, sur les quais de Seine.


 

Cette comédie estivale n’a rien d’une épopée ou d’un film ethnographique. Le duo, incarné par Éric Nantchouang (Félix, l’amoureux transi) et Salif Cissé (Chérif, un camarade étudiant), deux acteurs du Conservatoire, comme le reste de la distribution, est savoureux et contrasté. L’un est un dandy beau parleur, ironique et déterminé à conclure son affaire. L’autre est suiviste, serviable, toujours prêt à arrondir les angles. Ils s’embarquent dans cette galère en blablacar, forcés de composer avec leur chauffeur, un étudiant blanc fils à maman.


 

Après quelques incidents durant le parcours (malentendu sur le sexe des passagers, questions de discipline à bord, tension entre eux) et un accident au moment de garer le véhicule, le trio se pose au camping municipal de Die. Le prétendant appelle aussitôt sa dulcinée, qui n’aimant pas ce genre de surprises, le rembarre mais accepte de le revoir le lendemain. Le rendez-vous n’est guère plus concluant.


 

Tandis que Félix lanterne en pratiquant diverses activités sportives, son comparse Chérif se lie avec une campeuse, une jeune mère flanqué d’un ravissant bébé et, le hasard faisant bien les choses, native comme lui du 9-3.


 


 

Comme dans L’Île au trésor, le cadre de la base de loisirs joue un rôle aussi important que l’intrigue, réduite au marivaudage. On pense à Éric Rohmer l’étude sociologique d’une tranche d’âge, le décor contemporain ainsi que la flirtaison, bien qu’ici les dialogues soient bruts de décoffrage. Et aussi à Jacques Rozier pour le développement sinueux, la fantaisie d’ensemble, et les saynètes populistes - en particulier les séquences de danse et de karaoké.


 

Le film est admirablement photographié par Alan Guichaoua. Les paysages y apparaissent somptueux, tant la qualité de la lumière imprime l’image. Le dépit amoureux n’a qu’un temps et le vague à l’âme sera bref puisque l’innocent aura les mains pleines et notre Don Juan une prompte consolation.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021


À l’abordage. Réal, sc : Guillaume Brac ; sc : Catherine Paillé ; ph : Alain Guichaoua ; mont : Héloïse Pelloquet. Int : Éric Nantchouang, Salif Cissé, Édouard Dulpice, Asma Messadouene, Ana Blagojevic (France, 2020, 95 mn).



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