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Compartiment n° 6 (2020)
de Juho Kuosmanen
publié le mercredi 3 novembre 2021

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°410-411, automne 2021

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2021.
Grand Prix

Sortie le mercredi 3 novembre 2021


 


À la fin des années 90, Laura, une Finlandaise (Seiri Harlaa), est étudiante en archéologie à Moscou, où elle cohabite avec Irina aussi sociable qu’elle-même est réservée. Elle entreprend de visiter des pétroglyphes préhistoriques (1) qui viennent d’être découverts près de Mourmansk, au dessus du cercle polaire.


 

C’est encore le temps de la mixité soviétique. Elle voyage en classe "molle", et, dans le train, elle doit partager une voiture-couchette avec un mineur russe ralliant sa base, Aliocha. Il est grivois, sans gêne. "Comment dit-on je t’aime en finnois", lui demande-t-il finement. Elle lui répond par l’expression qui signifie, "Va te faire foutre".


 


 

La cohabitatiion s’annonce mal, et la solide cheminote, vigilante mais sans compassion, n’accède pas à sa demande de transfert, la classe "dure" est pleine avec ses couchettes superposées de part et d’autre du couloir, sans cloison.


 


 

Au long des jours, avec de longues escales, Laura et Aliocha finissent par se supporter, chacun s’installant dans son rôle naturel, lui le prolo, elle l’intello, jusqu’à Mourmansk, terminus.
Quand elle découvre qu’on ne peut aller jusqu’au pétroglyphes en hiver, elle part à la recherche d’Aliocha, sur la base d’un portrait dessiné alors qu’il dormait. Elle le retrouve, et, en effet, il l’aide, les routes sont impraticables mais il trouve un guide. Le décor lugubre, abandonné, immense, muet, et on ne sait pas bien si elle les trouve, ses pétroglyphes.


 

Mais entre eux, s’est installée une connivence, celle de ceux qui ont tenté une aventure ensemble. Aliocha retourne à l’usine, et elle repart, un peu séduite. Quand, elle lira le message qu’il lui a envoyé, elle sourira.


 

Au delà du huis-clos du long voyage, un sentiment de familiarité s’est installé entre les deux voyageurs, mais aussi entre eux et le spectateur, ainsi qu’une sorte de parenté entre les époques. Les autres sont quand même là, la sympathique babouchka du garçon, ou l’amante moscovite de la fille.


 


 

On pense au film de Jerzy Kawalerowicz, Train de nuit (1959), une situation improbable sans échappée possible, qui devient une vraie rencontre. Mais les situations, à la fin des années 50, et les protagonistes, y étaient bien plus convenus. Comme par vague, tous les trente ans, 1960, 1990, 2020, les temps changent, sociétés et sentiments, sans discontinuité.

Juho Kuosmanen a déjà été primé à Cannes, pour son premier long métrage, Olli Mäki, en 2016.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°410-411, automne 2021

1. Un pétroglyphe est un dessin gravé sur de la pierre.


Compartiment n° 6 (Hytti Nro 6). Réal : Juho Kuosmanen ; sc : J.K., Andris Feldmanis & Livia Ulman, d’après le roman de Rosa Liksom paru en 2011 ; ph : Jani-Petteri Passi ; mont : Jussi Rautaniemi ; cost : Jaanus Vahtra. Int : Seidi Haarla, Youri Borissov, Dinara Droukarova, Youlia Aoug, Polina Aug, Galina Petrova (Finlande-Estonie-Russie-Allemagne, 2020, 107 mn).



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