Le Flower People est mort. Des cendres de ses illusions, rien n’a éclos, et l’Amérique macère dans le disco. Mais elle reste la patrie des grands espaces, même si ses nouveaux aventuriers ont échangé les pur-sang pour des chevaux-vapeur de monstres à semi-remorque.

Le père de "CB Garçonne", Don (Dennis Hopper), purge une peine de cinq ans de prison pour un accident dans lequel il a tué plusieurs enfants d’un car de ramassage scolaire. En attendant sa sortie, Cathy, sa femme, cherche, d’homme en homme, un substitut à l’amour qui lui est volé par la prison.

CB, comme eux, cherche, se déchire pour vivre, mais pas plus qu’eux ne connaît ou ne veut respecter les règles du jeu social, celles que dicte la vieille Amérique puritaine. Une échauffourée avec l’institution scolaire la jette sur les routes.

Marginale, elle trouve un havre précaire dans le sillage d’un groupe punk, avant d’être ramenée chez elle. L’amour paternel dérive lentement vers le viol, la fringale sexuelle de la mère s’exacerbe dans la drogue, et il ne reste à CB que le portrait et les chansons d’Elvis (qui l’a quittée, lui aussi, en mourant) pour s’identifier à un père mythique.

C’est un fantastique coup de sonde dans l’Amérique profonde auquel Dennis Hopper se livre et nous convie : Amérique où se côtoient la tendresse folle et la bassesse inutile, la gaieté immodérée et le meurtre froidement accompli. Mais ce qu’il nous dit, c’est que Don, Cathy, CB et les autres sont les pantins d’une société où même l’amour ne peut rien, où même la révolte n’a plus d’issue, sinon l’autodestruction.

Philippe Leroyer
Jeune Cinéma n°134, avril-mai 1981

Out of the Blue, aka Garçonne. Réal : Dennis Hopper ; sc : Leonard Yakir & Brenda Nielson ; ph : Marc Champion ; mont : Doris Dyck ; mu : Tom Lavin.. Int ; Linsa Manz, Dennis Hopper, Sharon Farrell, Raymond Burr (USA, 1980, 94 mn).