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Liban 1982 (2019)
de Oualid Mouaness
publié le mercredi 24 novembre 2021

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 24 novembre 2021


 


C’est à travers les yeux de ses jeunes protagonistes que Oualid Mouaness choisit de conter son histoire à tendance autobiographique. Il s’agit ici de suivre Wissam, 10 ans, amoureux de sa camarade de classe Joanna, à qui il souhaite déclarer sa flamme durant leur dernière journée d’école, jour d’examens de fin d’année et d’invasion israélienne.


 

En se plaçant à hauteur d’enfant ou, parfois, au niveau du corps enseignant, le réalisateur cherche avant tout à montrer l’aspect humain de la déchirure libanaise, évitant tout point de vue surplombant, didactique ou déshumanisant. Il met en scène l’arrivée de la guerre par une lente montée en tension au cours de la journée, en filmant, parallèlement aux tentatives de Wissam de déclarer son amour, la volonté du corps professoral de continuer son travail jusqu’aux derniers instants.


 

Le recours récurrent à des gros plans ou des plans rapprochés, se concentrant d’abord sur les visages des enfants ou ceux de leurs professeurs, trop conscients de l’imminence de la catastrophe, fragmente l’espace, isolant et désolidarisant les personnages. Savant jeu d’écho avec la destinée du pays. Quelques plans larges jalonnent l’ensemble, mais on y retrouvera des murs et des grillages clôturant l’espace, donnant un aspect carcéral à l’univers des protagonistes.


 


 

La bande-son, particulièrement soignée, contribue à l’immersion et c’est par son biais qu’est présente la guerre - des bruits d’avions passant par-là, des explosions progressant à mesure que la journée avance. Les images concrètes de la bataille sont réservées au fond du cadre, dans un lointain brumeux, à peine distinguable ou, à haute altitude, les avions de chasse, alors semblables à des mouches. Jeux d’échelle, redisant l’impuissance des protagonistes devant un conflit qui les dépasse.


 


 


 

Liban 1982 n’oublie pas de parler de politique ou du contexte idéologique, par le biais des conversations angoissées entre les adultes, ou par les tensions entre les enfants. Mais c’est surtout par un foisonnement de petits détails que le film atteint la perfection d’une suffocante authenticité. Comme cette croix catholique du frère de l’institutrice (épatante Nadine Labaki) accrochée au rétroviseur de sa voiture, ou l’absence d’Israël, remplacée par la Palestine, sur la carte d’un test de géographie.


 

Le film dispose enfin d’un beau paradoxe : la fin, mêlant images réelles et dessins animés, traduit la nature merveilleuse sur laquelle repose le regard des enfants. Merveilleux qui tendra à contaminer le spectateur, pouvant alors croire que tout espoir d’une fin heureuse n’est pas perdu. Malgré la suite tragique de l’histoire, bien connue. Le film est très maîtrisé et jamais mélodramatique. Il saisit à la gorge et crée l’émotion sans difficulté. Superbement écrit, il est délicat et juste, à l’instar du carton final, rendant hommage au peuple libanais.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


Liban 1982. Réal, sc : Oualid Mouaness ; ph : Brian Rigney Hubbard ; mont : Jad Dani Ali Hassan & Sabine El Gemayel ; mu : Nadim Mishlawi. Int : Nadine Labaki, Mohamad Dalli, Gia Madi, Rodrigue Slieman (Liban-France, 2019, 104 mn).



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