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Ziyara (2020)
de Simone Bitton
publié le mercredi 1er décembre 2021

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 1er décembre 2021


 


Simone Bitton, dont on ne présente plus la filmographie de documentariste, est née au Maroc et y a vécu jusque’à l’adolescence. À la fin des années 60, en effet, la communauté juive presque dans son entier a quitté le Maroc en raison de la Guerre des six jours et par peur des représailles, laissant un vide à la fois culturel et, bien sûr, économique.
Bien des années plus tard, la réalisatrice y retourne pour tourner un film à la manière de ces juifs qui y reviennent pour faire la visite (ou "ziyara" d’où le titre) aux lieux saints et aux mausolées des sages, des guérisseurs, des soufis ou des kabbalistes qui y sont enterrés et que les juifs vénèrent une fois l’an, venant pour cela du monde entier.


 

Ziyara raconte non pas un pèlerinage, mais une sorte de road movie mélancolique et spiritualiste car elle visite toutes les tombes juives du Maroc, à commencer par celles de sa famille à Casablanca. On découvre peu à peu que, depuis leur départ, ces tombes, ces lieux saints, et même ces synagogues, encore avec leurs meubles et les livres de la Torah, sont surveillés par des musulmans qui y sont attachés, dévoués et qui vénèrent souvent à leur tour ces marabouts qui, bien que juifs, font partie intégrale de leur culture et de leur foi. D’ailleurs, l’une des personnes rencontrées dit clairement à la caméra qu’il y a peu de différences entre la religion juive et la religion musulmane.


 


 

Comme à son habitude, Simone Bitton navigue caméra en main à la rencontre des lieux et de leurs habitants, à la manière de ce qu’elle a fait pour Mur en 2004, puis Rachel en 2009, et aussi dans des documentaires pour la télévision où elle s’emploie avec talent et beaucoup de poésie à réconcilier Palestiniens et Juifs, religion juive et religion musulmane, surfant à contre courant de ce que l’on nomme maintenant souvent abusivement islamophobie.


 

Ce film n’est nullement politique même s’il se clôt sur deux entretiens, dont l’un parle d’une figure de la résistance marocaine anti Hassan II, Abraham Serfaty, et qui était de confession juive, ainsi que d’un Marocain noir né dans le Sud du pays devenu professeur dans une université américaine. Tous parlent avec dignité et modération de leur foi, de leurs origines et du respect qu’ils montrent pour la mémoire des ancêtres et pour les religions. On sent que Simone Bitton tente presque désespérément d’empêcher les pyromanes de tout bord de continuer à envenimer les situations et de cabrer les deux communautés. Sans fausse pudeur, sans timidité non plus, elle avance dans ce pays qu’elle connaît très bien et qu’elle n’a jamais vraiment quitté comme une amie, une artiste en quête de souvenirs et de dialogue, avec les mots qu’il faut et, aussi, les photos et les souvenirs.


 

Son film est un inoubliable voyage dans la mémoire et les cœurs, qu’elle voudrait, semble-t-il, compléter : "Ziyara commence là où il se termine, sur les mots de l’écrivain Edmond Amran Elmaleh que j’ai cité sur la dernière image. C’est un grand écrivain francophone, un Marocain juif, ancien dirigeant communiste dans la lutte pour l’indépendance, disparu il y a une dizaine d’années. Il est peu connu en France mais aimé et respecté au Maroc. Personne ne lui a jamais consacré de film. Je vais combler ce manque, en partant de son œuvre pour évoquer son destin".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Ziyara. Réal, sc : Simone Bitton ; ph : Jacques Bouquin ; mont : Dominique Pâris (France-Belgique-Maroc, 2020, 99 mn). Documentaire.



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