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Brunner, Didier & al (livre)
Kirikou et après… (2017).
publié le samedi 28 décembre 2019

par Romain Delerps
Jeune Cinéma n°384, décembre 2017

Jean-Paul Commin, Valérie Ganne & Didier Brunner, Kirikou et après…, Actes Sud / Institut Lumière, 2017.


C’est devenu un lieu commun : le cinéma d’animation connaît en France, depuis le début du siècle, un développement commercial sans précédent. Jamais on n’a autant produit de longs métrages, formé autant de jeunes professionnels à travers un riche réseau d’écoles parisiennes et provinciales, encensé la diversité des techniques et des talents…
Le livre du producteur Didier Brunner - avec deux coauteurs - ne fait qu’enfoncer des portes largement ouvertes en dressant un état de lieux déjà bien balisés. Sans doute a-t-il souhaité souligner son propre apport, lui aussi déjà bien établi.
À Didier Brunner, nul ne conteste un grand flair de dénicheur de talents et un rôle important dans la production de longs métrages d’animation. À cet égard, le succès aussi spectaculaire qu’inattendu du premier Kirikou de Michel Ocelot (1998) marque bien un tournant. Il a changé le paysage en incitant d’autres producteurs à s’investir dans ce secteur très particulier du cinéma.

On sera beaucoup moins admiratif pour le livre que ce même Didier Brunner cosigne aujourd’hui. C’est une célébration de l’industrie française du long métrage, sans dimension critique ni véritable perspective historique. Évincer le court métrage en le réduisant d’emblée à la fonction de banc d’essai pour futurs cinéastes, c’est méconnaître gravement que nombre de chefs-d’œuvre de l’animation ont été réalisés dans ce format. N’importe quel cinéphile sait que certains des plus grands créateurs de formes animées, tels que Alexandre Alexeieff en France ou Norman McLaren au Canada, n’ont réalisé que des courts métrages et s’y sont parfaitement accomplis.

Il s’agit en fait d’un projet bancal. On ne sait qui s’exprime vraiment dans ces pages où l’on parle le plus souvent de Didier Brunner à la troisième personne, avant de lui donner la parole pour Ernest et Célestine (1), comme on le ferait pour un invité ou un témoin. Peu importe après tout qu’il ait mis la main à la pâte ou simplement fourni tous les éléments relatifs à ses films, leur genèse, leurs réalisateurs, le nombre d’entrées, etc. C’est ce genre d’informations qu’on ira chercher dans ce livre qui a tort d’ambitionner davantage.

Car, même si le sous-titre annonce "20 ans de cinéma d’animation en France", les auteurs ont cru bon de remonter plus loin dans l’histoire. Leurs carences sont criantes, notamment lorsqu’ils abordent l’œuvre de Paul Grimault. Ce chapitre est émaillé d’erreurs factuelles et de bourdes diverses. Les signataires se trompent dans les dates, confondent Joseph Kosma et Vladimir Cosma, etc. La plus grosse bévue est l’invention d’une "première adaptation de La Bergère et le Ramoneur ", au ras du conte de Hans Christian Andersen et sans le concours de Jacques Prévert. Où sont-ils allés pêcher cela ? Sûrement pas dans les ouvrages de référence sur le sujet (2), qu’ils négligent d’ailleurs de mentionner. Ils les ont pourtant certainement pratiqués, mais parfois très mal recopiés…

La plupart des citations de ce Kirikou et après proviennent de dossiers de presse. Voilà qui conforte l’impression que donne cette lecture : c’est un livre d’attachés de presse. Il n’y est question que de performances, de longs métrages qui triomphent et de séries qui forcément cartonnent. C’est donc cela, la French touch ?

Romain Delerps
Jeune Cinéma n°384, décembre 2017

1. Ernest et Célestine de Stéphane Aubier, Vincent Patar & Benjamin Renner (2012).

2. Paul Grimault, Traits de mémoire, Paris, Seuil, 1991 ; Jean-Pierre Pagliano, Paul Grimault, Dreamland, 1996 ; Jean-Pierre Pagliano, Le Roi et l’Oiseau. Voyage au cœur du chef-d’oeuvre de Prévert et Grimault, Paris, Belin, 2012.


Jean-Paul Commin, Valérie Ganne & Didier Brunner, Kirikou et après…, 20 ans de cinéma d’animation en France, Arles/Lyon, Actes Sud junior / Institut Lumière, 2017, 208 p., 36, 90 €



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