Entre les vagues, second long métrage après Heis (Chroniques) de Anaïs Volpé, résonne comme un avertissement et une question de survie. À tout prix, Margot et Alma, comédiennes, doivent vivre, s’exprimer, répéter et jouer la pièce, et elles doivent le faire dans l’urgence. Le temps presse, la vie s’écoule, rapide, comme la passion qui les habite. Si rapide, que Anaïs Volpé tourne avec vivacité, caméra à l’épaule et comme elle le dit joliment, "jeu à l’épaule", "montage à l’épaule", dans un rythme explosif, un empressement, une impatience, une activité débordante hors du commun. Ces deux jeunes amies, âgées de 27 ans, vivent leur passion éperdue de théâtre.

La pièce qu’elles interprètent, comme le film lui-même, alterne entre deux villes, Paris et New York, évoquées par des successions d’images. Cependant, peu de lieux abritent l’action : le théâtre où se déroulent les répétitions, la rue, quelques plans dans les appartements et les lieux de fêtes et dans la dernière partie du film, plusieurs scènes à l’hôpital.
Le film, assez éprouvant dans sa forme fragmentée, est poussé par la hâte d’aller toujours plus loin dans la réflexion, de se dépasser, de se surpasser par un rythme discontinu, presque convulsif, une cadence à perdre haleine, où les émotions s’enchaînent et se multiplient (peut-être un peu trop), sans qu’il soit permis de reprendre souffle.
Alma et Margot sont liées par une amitié sincère et profonde, elles ne se lâchent pas, sont sans cesse à l’image, l’une ou l’autre ou les deux à la fois dans des plans heurtés, chahutés, ou, au contraire, d’une grande douceur.

De fêtes en mariage, elles se faufilent parmi les danseurs et répètent en même temps leurs rôles. Jusqu’à la fin, elles sont au théâtre, à la fois dans l’imaginaire et dans la vie. Déborah Lukumuena (Alma), prix de la meilleure actrice pour Divines de Houda Benyamina, et Souheila Yacoub (Margot) nommée aux révélations des Césars 2019, portent le film, l’incarnent, le colorent et le magnifient.

Anaïs Volpé dévoile avec Entre les vagues des qualités d’empathie et de solidarité ainsi qu’une force de conviction qui déborde des images et leur donne un sens. Il y a une véritable urgence à filmer impossible à contenir, les images en sont témoins, elles sont spontanées et nécessaires même dans la brutalité. C’est un film sur la jeunesse et l’amitié, qui mêle le documentaire à la fiction et c’est aussi une comédie dramatique, où se confrontent en permanence théâtre et réalité, jeux de rôles et vie personnelle.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°413-414, février 2022

Entre les vagues. Réal, sc : Anaïs Volpé ; ph : Sean Price Williams ; mont : Zoé Sassier ; mu : David Gubitsch & Élie Mittelmann. Int : Souheila Yacoub, Déborah Lukumuena, Matthieu Longatte, Angélique Kidjo, Sara Verhagen (France, 2020, 100 mn).