Palme d’Or pour Waves’98 en 2015, Face à la mer est le premier long métrage de Ely Dagher, réalisateur libanais.
Arrivée de Paris où elle suivait des études artistiques, Jana (Manal Issa) atterrit à l’aéroport de Beyrouth en pleine nuit pour rejoindre la maison de ses parents. Son visage incarne une souffrance silencieuse - "la tristesse durera toujours", pour reprendre les mots de Maurice Pialat, est l’évocation parfaite de ce personnage muré dans une torpeur existentielle permanente.

Les dialogues sont très rares et la question : pourquoi est-elle revenue, ne recueille aucune réponse. Se joignent à l’inquiétude des parents toutes sortes de probabilités, mêmes les plus terribles. Elle retrouve cependant son amoureux dans un appartement d’un immeuble déserté, proche du port de Beyrouth où, le 4 août 2020, eut lieu l’explosion dévastatrice.

La ville filmée par Ely Dagher est une ville fantôme, éclairée de néons et lampadaires, soulignant plus encore les rues désertes. Un climat angoissant, un silence, la nuit, voilent les images toujours très belles où réalisme et fantastique se mêlent. La réussite du film tient dans ces deux heures et l’appréhension d’une probable catastrophe, tsunami, cyclone, explosion, guerre.

Mise en scène de l’incertitude d’un avenir proche et/ou lointain, impossibilité d’énoncer ni même de nommer la peur, mutisme et opacité des relations, un temps dénué de toutes perspectives, un temps immobile, un temps de mort annoncée vécu par chacun des personnages. Reste-t-il un espoir ? Le travail esthétique sur l’image associé à la lenteur des plans, fortement accompagnés de la musique lancinante de Joh Dagher crée stupeur et effroi.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 410-411, septembre 2021

Face à la mer (The Sea Ahead). Réal, sc : Ely Dagher ; ph : Shadi Chaaban ; mont : Léa Masson ; mu : Joh Dahgher. Int : Fadi Abi Samra, Manal Issa, Rabih El Zaher, Roger Azar (France-USA-Liban-Belgique, 2021, 116 mn).