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Algunas bestias (2019)
de Jorge Riquelme Serrano
publié le mercredi 20 avril 2022

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°415, mai 2022

Sortie le mercredi 20 avril 2022


 


Il s’agit d’un huis clos familial sur une île du Chili, dans une belle maison délabrée et peu confortable. Six personnes, les deux grands-parents, Antonio et Dolorès (Alfredo Castro et Paulina Garcia), les deux parents, Ana et Alejandro (Millaray Lobos et Gaston Salgado) et leurs deux adolescents, Maximo et Consuelo (Andrew Bargsted et Consuelo Carreno). La famille est réunie dans ce bel endroit pour finaliser le projet financier d’Ana et Alejandro. Algunas bestias est le deuxième long métrage de Jorge Riquelme Serrano, auteur d’une trilogie de thriller psychologique depuis Caméléon jusqu’au troisième Mirasol, en cours de réalisation.


 


 

Dans ce paysage, la disparition du jeune gardien, guide et cuisinier, provoque rapidement un regain d’angoisse et libère la face sombre des âmes. "L’inquiétante étrangeté" rôde, la pluie et le vent encerclent la maison et deviennent sujets d’angoisse réelle. Les six personnages prisonniers de l’île pressentent l’explosion du noyau familial où le rire et le jeu cèdent la place à la peur, la lâcheté, la perversité, la répugnance.
Algunas bestias est un poème de Pablo Neruda, auquel le réalisateur a emprunté le titre. Le film est une allégorie de la condition humaine face à l’isolement de la nature, c’est également une métaphore de seize ans de dictature chilienne sous Pinochet et le ressenti de tous les abus vécus par le pays tout entier. La population chilienne fut abusée dans sa vie sociale et intime par le pouvoir dictatorial. Au sein de cette famille bourgeoise règne la puissance de l’homme, incontestable, le grand-père. Il se pose en victime et s’excuse, avec l’assentiment de sa proie, du viol qu’il commet sur elle. La grand-mère détient les rênes du pouvoir financier, elle peut tout acheter même la jouissance d’un jeune homme pour passer le temps.


 


 

Quant aux autres… Ana fait ce qu’elle peut pour croire encore à ce qu’elle défend, son mari Alejandro, considéré comme un métèque par ses beaux-parents, vit un enfer et les deux adolescents, frère et sœur, s’éloignent du noyau familial pour mieux échapper à la domination parentale et tenter quelques jeux interdits. Cette famille bourgeoise est le reflet d’une société meurtrie où victimes et bourreaux restent marqués à jamais. Le cinéma de Luis Buñuel n’est pas loin, ni celui de Thomas Vinterberg, qui dépeignent une bourgeoisie nantie, décadente, chrétienne, abusive et effrayante.


 

Jorge Riquelme Serrano parvient à fabriquer un climat si malveillant que chaque parole prononcée par l’un ou l’autre installe un trouble qui étouffe toutes possibilités de fuir. L’air est nauséabond, les relations sont toxiques, la maison est malsaine et les individus s’abandonnent à la perversité et au mal. Cela leur colle à la peau et dans un certain sens finit par les relier entre eux. Tel le dernier plan, terrible, des six individus réunis et serrés l’un contre l’autre sur la plage arrière du bateau sur le chemin du retour, emportant avec eux ce qu’ils sont, des êtres misérables.

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°415, mai 2022


Algunas bestias. Réal, sc, mont : Jorge Riquelme Serrano ; sc : Nicolas Diodovich ; ph : Eduardo Bunster ; mont : Valeria Hernandez ; mu : Carlos Cabezas. Int : Paulina Garcia, Alfredo Castro, Andrew Bargsted, Gaston Salgado, Nicolas Zarate, Millaray Lobos (Chili, 2019, 95 mn).



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