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Monde après nous (le) (2021)
de Louda Ben Salah-Cazanas
publié le mercredi 20 avril 2022

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°415, mai 2022

Sortie le mercredi 20 avril 2022


 


Livreur pour Deliveroo (1), Labidi est surtout un jeune écrivain sans le sou. Un jour, il fait la rencontre d’Élisa et, partagé entre l’écriture d’un livre en six mois, les petits boulots et l’ambition d’avoir une vie cossue avec sa nouvelle compagne, il tente de surnager.


 


 

Basé sur une ouverture énigmatique suggérant une destinée dramatique, c’est en flashback que Louda Ben Salah-Cazanas structure son récit. Flashback de six mois fonctionnant comme un compte à rebours, apportant tension et suspense, eux-mêmes accentués par l’aspect imprévisible du caractère du personnage principal. Aspect émanant d’un manque d’information organisé par la narration, autant que par le talent de jeu de Aurélien Gabrielli. Ce dernier fait osciller son personnage entre le lunatique et l’endormi, n’explicitant jamais son ressenti profond ou ses émotions, sans jamais devenir antipathique.


 

Louise Chevillotte est formidable de franchise et, à l’instar de son compagnon de jeu, elle parvient à faire passer avec simplicité les angoisses et les peurs qui travaillent sa génération : le déclassement et le déterminisme social, Cette génération, également représentée par une galerie de personnages secondaires dont les aspects contredisent souvent les actions, favorise ainsi les rebondissements d’un récit qui en devient agréablement surprenant.


 


 

Esthétiquement sobre, le peu de décors du Monde après nous est constitué de chambres, de cafés, de salles d’attentes ou d’espaces de vente, et baigne dans une lumière crépusculaire ébauchant les contours d’un monde froid, isolant des individus rongés par la solitude. Mais le film évite l’écueil d’une noirceur totale ou d’une morgue sociale et politique. Cela vient du fait que les mésaventures, au moins en partie, de Labidi émanent de ses propres décisions impulsives. Plutôt que de recourir à un discours militant, Louda Ben Salah-Cazanas préfère rappeler la situation précaire de ses personnages par la mise en place d’un faisceau de détails. Détails dispersés au sein d’une structure parcellaire, s’attachant à projeter le spectateur au sein de scènes ou d’événements jamais vraiment amorcés ni annoncés, générant un aspect pris sur le vif et spontané, renforçant le naturel et la sincérité des émotions exposées.


 

Pour faire le lien entre ces parcelles, Louda Ben Salah-Cazanas a recours à une ingénieuse bande-son, mêlant à la fois musique d’ambiance (pour moments tragiques) et musique pop (pour moments joyeux), contribuant à créer des embardées de bonheur ou d’humour qui viennent percuter les moments amers. Le Monde après nous est un film fluctuant et émouvant, qui parvient à donner de l’espoir sans jamais tomber dans la mièvrerie ou le mélodrame, ni renoncer à une certaine complexité morale.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°415, mai 2022

1. Entreprise de plats cuisinés.


Le Monde après nous. Réal, sc : Louda Ben Salah-Cazanas ; ph : Amine Berrada ; mont : Vincent Tricon ; mu : Jean-Charles Bastion. Int : Aurélien Gabrielli, Louise Chevillotte, Saadia Bentaïeb, Jacques Nolot (France, 2021, 85 mn).



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