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Colline où rugissent les lionnes (la) (2021)
de Luàna Bajrami
publié le mercredi 27 avril 2022

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°415, mai 2022

Sortie le mercredi 27 avril 2022


 


La Colline où rugissent les lionnes est le premier long métrage de Luana Bajrami (originaire du Kosovo, quitté à l’âge de 7 ans, elle est installée en France depuis quatorze ans). Elle évoque ici l’émancipation de trois jeunes filles, Li (Era Balaj), Qe (Flaka Latifi) et Jeta (Uraté Shabani), dans Pleshina, le village isolé de sa propre enfance. Sur les hauteurs du village, une colline est leur point de ralliement, elles s’y retrouvent pour discuter, rire et lancer en toute liberté leur cris de colère.


 

En lutte contre l’ennui, l’inertie et l’absence de perspectives, elles rugissent souvent, là-haut sur leur colline. À l’abri des regards et des visites intempestives, elles accueillent Zem (Andi Bajgora), le petit ami de Li, puis une autre jeune fille, Lena (Luana Bajrami elle-même), qui vit en France et vient en vacances chez sa grand-mère. Face à elles, elle signifie leur enfermement, la prise de conscience de leur condition : quand rien ne se produit dans leurs vies, elle incarne la liberté. Cette réflexion parcourt le film et une question taraude chaque séquence : comment peuvent-elles s’en sortir ? En écho, résonne le souhait de les soutenir, de leur donner la force et l’opportunité de vaincre l’immobilisme religieux, patriarcal et atavique.


 

Et dans ce paysage historiquement chargé, sur cette colline à la fois confidente et terre-mère des jeunes filles, un combat se joue entre la survie dans un environnement défavorable et la prise de risque vers l’ailleurs. La faculté de la ville voisine les refuse et fait exploser leurs rêves. Anéanties, les lionnes choisissent la délinquance, saccagent les magasins et pillent tout sur leur passage. Portées par les airs rock kosovare du ’Gjurmët" des années 80, elles dépensent sans compter, se baladent en Jaguar, fréquentent les grands hôtels, s’aiment et dansent. La morale de l’histoire est rude : de retour au village, elles sont bafouées, brutalisées par la famille et les habitants.


 

La Colline… a été fabriqué dans la hâte, dans l’émotion brute, dans l’intention de donner à voir une jeunesse kosovare captivante, pleine de charme et d’invention, et qui cependant est délaissée, désemparée, oubliée, dépourvue de moyens pour se réaliser. Le film de Luana Bajrami possède une fougue, fait montre d’un bouillonnement impossible à réfréner, comme si les jeunes filles vivaient leur dernière carte, entre exaltation et désespoir.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 415, mai 2022


La Colline où rugissent les lionnes (Luaneshat et kodrës). Réal, sc : Luana Bajrami ; ph : Hugo Paturel ; mont : Michel Klochendler. Int : Era Balaj, Flaka Latifi, Uraté Shabani, Luana Bajrami, Andi Bajgora (France-Kosovo, 2021, 83 mn).



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