Jeune Cinéma n°416 - été 2022
Édito & sommaire
publié le jeudi 23 juin 2022

JEUNE CINÉMA n°416, été 2022


 

Couverture : Denis Ménochet, As Bestas (Rodrigo Sorogoyen, 2022).

Quatrième de couverture : Symphonies urbaines #IV.

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ÉDITO Jeune Cinéma n°416, été 2022

 

La distribution simultanée des films présentés en sélection officielle au Festival de Cannes n’a pas vraiment modifié le constat navré que nous faisions dans le dernier numéro quant à la fréquentation des films d’auteurs dans les salles.
Après trois semaines d’exploitation, les chiffres des spectateurs de Frère et Sœur de Arnaud Desplechin, et Coupez ! de Michel Hazanavicius se situent autour de deux cents mille, un peu moins pour le premier, un peu plus pour le second - à peu près 9% de ceux atteints en deux semaines par Top Gun : Maverick, bientôt au-dessus des trois millions.
Certes, on ne peut comparer que ce qui est comparable, ni Melvil Poupaud ni Romain Duris ne sont Tom Cruise, et les acrobaties aériennes sont plus attirantes que les affaires de famille ou les parodies de film Z. Il ne s’agit pas vraiment d’un accident industriel (bien des titres se réjouiraient d’un tel résultat), mais on pouvait attendre un score plus important pour des films auréolés par la montée des marches et le soutien quasi général des médias. Notons que la désaffection ne concerne pas seulement la production française, puisque Les Crimes du futur de David Cronenberg, pourtant attendu par les amateurs, n’a recueilli que 52 000 visiteurs en première semaine et a disparu du Top Ten dès la suivante.
"L’effet Cannes" serait-il désormais amoindri ? Les millions de téléspectateurs qui ont suivi en direct dix jours durant un festival bien soutenu par le service public se contenteraient donc du tapis rouge et des paillettes et n’iraient plus vérifier in vivo si le spectacle promis en vaut la peine ?
On craint le pire lorsque sortiront les autres films français, et pas seulement ceux des têtes de gondole de la sélection officielle. Car l’état des lieux pas mal morose de la production hexagonale que nous avions rapidement tracé dans le précédent numéro (ou plutôt son supplément, Jeune Cinéma 415 bis) s’est vu confirmer par nos agents sur la Croisette : la soixante-quinzième édition cannoise ne restera pas comme un millésime mémorable. Aucun titre, pas plus étranger que français, n’aura laissé une empreinte véritable (1), pas plus la Palme attribuée au film de Ruben Östlund, Triangle of Sadness - souhaitons-lui un meilleur accueil public que pour sa première, The Square - que les divers prix décernés. Rien d’injuste ni de déshonorant dans le palmarès, le jury a composé avec ce qu’il avait, c’est-à-dire des films intéressants, parfois remarquables, mais aucun qui puisse se dresser comme une borne miliaire dans notre horizon rétrospectif. Pas plus d’ailleurs du côté de la Quinzaine des réalisateurs, dont les films notables se comptent sur les doigts de la main. On trouvera plus loin le détail de ce festival en demi-teinte, bon reflet de la production planétaire. Vivement 2023 !

Si nous avons choisi Denis Ménochet pour la couverture de ce numéro, c’est pour saluer un acteur exceptionnel, qui, sans être un inconnu (soixante-dix titres en vingt ans et deux César), parvient enfin aux premiers rôles qu’il avait rarement occupés jusqu’à présent. On le verra bientôt dans As bestas de Rodrigo Sorogoyen, un des meilleurs films de la sélection cannoise, dans Peter von Kant de François Ozon, qui a ouvert la Berlinale en février 2022, et, si les distributeurs nous veulent du bien, dans Les Survivants de Guillaume Renusson, repéré il y a quelques mois. La puissance avec laquelle il incarne, aux côtés de Marina Foïs, le héros de As bestas, est digne des grands anciens, Gabriel Gabrio ou Harry Baur, ces "natures" - ou de Gérard Depardieu, s’il se donnait un peu de mal et pratiquait moins la roue libre.

Les promesses émises dans notre dernier éditorial quant aux comptes rendus des quelques livres alors énumérés demeurent valables pour notre numéro de rentrée. On se permettra d’ajouter à ces titres - pour mémoire : Trente ans avec Alain Resnais de François Thomas, Correspondance avec des écrivains de François Truffaut, Camp 1 & 2 de Pascal Françaix, Cinéma, littérature : le temps dans dix œuvres, études (inédites) dues à Jean-Michel Ropars. Ainsi que, déjà recensé ici page 114, Mario Soldati, cinéaste malgré lui de Jean A. Gili, publié chez Rouge profond (avec un coup de chapeau à La Tour verte, courageux premier éditeur prévu, qui a définitivement fermé boutique). Décidément, les collaborateurs de Jeune Cinéma ne chôment pas.

Enfin, saluons la parution, dans la collection Poésie/Gallimard, d’un inédit qui ravira tous les fervents de Luis Buñuel : Le Chien andalou et autres textes poétiques, préfacé par Philippe Lançon et traduit par Jean-Marie Saint-Lu. Excepté quelques-uns parus dans La Révolution surréaliste, La Revue du cinéma (première série) et Positif, on ne connaissait aucun des textes proposés ici, en édition en partie bilingue. Il y a certainement là de quoi ensoleiller les mois d’été. Et nous reviendrons, bien entendu, sur une découverte d’une pareille ampleur, même si le cinéma n’y tient pas la plus grande place.
La malédiction Jeune Cinéma a de nouveau frappé : nous avons appris la disparition, quelques jours après la fin du Festival de Cannes qu’il suivait régulièrement, de Étienne Ballerini. Passionné de sport, il était surtout connu pour sa collaboration au quotidien L’Équipe, dont il était le correspondant sur la Côte d’Azur. Mais durant presque vingt-cinq ans, entre le n°129 (septembre 1980) et le n° 292 (novembre 2004), il fut également un rédacteur fidèle de la revue : son ancrage niçois lui permit de suivre tous les festivals de la région, Hyères, Cannes, et, en voisin, San Remo, Florence et Venise. Nous ne le croiserons plus dans la salle de presse du bunker cannois et c’est fort triste.

Lucien Logette

1. Prière de ne pas succomber aux chants des sirènes critiques tombées en pâmoison devant Pacifiction de Albert Serra, que nous nous ferons un devoir de traiter le moment venu.



 

SOMMAIRE Jeune Cinéma n°416, été 2022

 

Festival de Cannes
 
* Présentation, par Patrick Saffar.

Cannes à Paris
 

* Les Crimes du futur, par René Prédal.

* Decision to Leave, par Patrick Saffar.

* Don Juan, par René Prédal.

* Frère et sœur, par René Prédal.

* Magdala, par Anita Lindskog.

* Top Gun : Maverick, par Hugo Dervisoglou.

* Le festival de A à Y, par Gisèle Breteau Skira, Gérard Camy, Hervé Dervisoglou, Jean-Max Méjean, Bernard Nave, Patrick Saffar, Sylvie L. Strobel.

Festivals
 

* Itinérances. Alès 2022, par Alain Souché.

Du monde entier
 

* Musashi Miyamoto à l’écran, par Andrea Grunert.

Patrimoine
 

* Il était une fois… les Symphonies urbaines IV. Un tour du monde, par Daniel Sauvaget

DVD
 

* Glanures DVD. De Hirochi Inagaki à Patrice Leconte, par Philippe Roger.

* L’Été en pente douce, par Francis Guermann.

Cinéma et Histoire
 

* La Chute de Berlin, par Jean-Michel Ropars.

Chercheurs et curieux
 

* Cinésketch (novembre 1924-mai 2022), par Nicolas Villodre.

Actualités
 

* Mon amour, par Gisèle Breteau Skira.
* I’m Your Man, par Jean-Max Méjean.
* On a grandi ensemble, par Francis Guerman.
* Je tremble, ô matador, par Jean-Max Méjean.
* En roue libre, par Gisèle Breteau Skira.
* Boum boum, par Jean-Max Méjean
* Le soldatesse, par Anita Lindskog.

Livres
 

* Noël Herpe, Delair-Clouzot, par Lucien Logette.

* Jean A. Gili, Mario Soldati, cinéaste malgré lui, par Claude Gauteur.

Humeurs
 

* Pour le centenaire : comment ils se voyaient, par Bernard Chardère.



JEUNE CINÉMA n°416, été 2022



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