Le point de départ de Force majeure n’est pas nouveau, au moins depuis Mort d’un cycliste (Juan Antonio Bardem, 1955). Soit comment un incident / accident est à même de faire basculer la routine d’un individu ou bien d’un couple, et de remettre en question ses certitudes les plus intimes.

Ici, une famille “en or”, immortalisée comme telle par un photographe, passe quelques jours de vacances dans une station de sports d’hiver (remarquablement “rendue” grâce à des procédés numériques).

Jusqu’au jour où, installés sur la terrasse d’un restaurant de montagne, le couple et leurs deux enfants se voient surpris par une avalanche dont ils sortiront indemnes, mais dont les dégâts psychologiques ne vont pas tarder à se faire ressentir.

Tout gravite en effet autour de l’attitude supposée du mari, qui, selon les assertions de sa femme, n’aurait rien trouvé de mieux, sous la menace de la déferlante, que de s’enfuir dare-dare en emportant avec lui son appareil photo et son portable !
Devant cette démission patente du rôle de paterfamilias, et malgré les dénégations de ce dernier, le malaise grandit au sein du couple.

Il devrait en être de même chez le spectateur, mais le “véritable” sujet du film (la culpabilité ne gît-elle pas dans le regard du témoin autant que dans l’attitude du principal intéressé ?) est quelque peu désamorcé lorsqu’il apparaît (un peu tard) que la “lâcheté” du mari avait été, de fait, enregistrée par téléphone portable.

De surcroît, la problématique du rôle de l’homme dans la famille se veut universelle, à partir du moment où elle rebondit sur un autre couple, avec lequel notre famille sympathise, et qui, lui, n’a "rien à se reprocher". "Mais qu’aurais-tu fais toi, en de semblables circonstances ?"

Le film est souvent drôle (dans le style "humour à froid" que favorise la sécheresse du filmage).
Mais il rate en partie sa cible, quand cette drôlerie se fait au détriment de la vérité humaine, pour finalement s’émousser sur une inutile clausule (un voyage en car, qui permet à l’homme de se “racheter” aux yeux des siens).

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°360 été 2014

Snow Therapy (Turist ; Force majeure à Cannes). Réal, sc : Ruben Östlund ; ph : Fredrik Wenzel ; mont : Jacob Secher Schulsinger ; mu : Ola Flottum ; déc : Josefin Asberg. Int : Johannes Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara Wettergren, Vincent Wettergren (Suède-France, 2014, 118 mn).