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Pollack, Sydney (1934-2008)
Une vie, une œuvre
publié le mardi 15 juillet 2008

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°317, été 2008

Sydney Pollack (1934-2008)


Lundi 26 mai 2008. Le Festival de Cannes vient juste de se terminer. Le temps est maussade. La radio délivre son lot de nouvelles. Entre les déclarations politiques du week end, les résultats sportifs du dimanche, et un retour rapide sur la Palme d’Or décernée la veille, une simple phrase, rapide, presque froide : "Sydney Pollack est mort ce jour à Los Angeles. Il était âgé de 73 ans et avait obtenu l’Oscar en 1985 pour Out of Africa". Rien de plus.

N’avait-il pas été président du Jury à Cannes en 1986 par exemple ? Pas le moindre petit commentaire pour celui qui fut avec Robert Altman, Arthur Penn, Alan Pakula, Sam Peckinpah et quelques autres, le fer de lance d’un nouveau cinéma hollywoodien progressiste et contestataire dans les mouvementées années 60 et qui pendant quarante ans allait proposer des œuvres puissantes, toujours inspirées par la réalité politique et sociale américaine.

Pollack commence sa carrière à la télévision à la fin des années 50. Il réalise quelques séries, se fait remarquer comme acteur. Sa première expérience cinématographique, il la partage avec Robert Redford qui deviendra plus tard son acteur-fétiche (ils feront sept films ensemble), en jouant à ses côtés dans La guerre est aussi une chasse (1962).

Trois ans plus tard, il passe à la réalisation en signant Trente minutes de sursis. Propriété interdite et On achève bien les chevaux, deux regards sans concession sur l’Amérique de la Grande dépression qui lui apportent la notoriété.

Son talent de grand conteur affirmé, Pollack allie un pessimisme latent aux archétypes du cinéma hollywoodien avec lesquels il joue. Ainsi, le violent et désenchanté Un Château en enfer (1969) ou les magnifiques fresques que sont Nos plus belles années (1974), Out of Africa et Havana (1990) représentent le même travail de reconsidération du film de guerre ou du film romantique que Les Chasseurs de scalps (1968), Jeremiah Johnson et Le Cavalier électrique (1979) le sont pour le western et The Yakuza (1975) et L’Ombre d’un soupçon (1999) pour le polar, Les Trois Jours du Condor et L’Interprète (2005) pour le thriller politique.

En peignant dans la petite trentaine de longs métrages qu’il a réalisé, des portraits de l’Amérique en crise, il n’évoque pas vraiment les États-Unis d’hier, pas plus ceux d’aujourd’hui, mais plutôt une Amérique de toujours, multiforme et ambiguë dont les traumatismes font partie intégrante de sa formation.

Il a aussi aimé jouer sous la direction d’autres réalisateurs et a démontré de grandes qualités.
Ainsi Stanley Kubrick l’avait dirigé dans Eyes Wide Shut (1999). On l’avait vu aussi en 1992 chez Woody Allen (Maris et femmes). Et récemment dans Fauteuils d’orchestre (2006) de Danièle Thompson. De ses incursions ponctuelles mais fréquentes devant la caméra, il disait avec humour qu’il s’agissait d’"un prétexte pour espionner les autres réalisateurs".
En août 2007, sa santé défaillante l’avait contraint à se retirer du projet Recount, un film de télévision sur l’élection contestée de George Bush en 2000.
La politique encore. L’engagement toujours.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°317, été 2008

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