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Bahia of All the Saints (1994)
de Jana Boková
publié le mardi 14 avril 2015

par Nicole Gabriel
Jeune cinéma en ligne directe

Depuis plus de trente ans, la Cinémathèque de la danse nous convie à une projection mensuelle à la Cinémathèque française. (1)

Le 12 avril 2015, malgré le marathon et le soleil, le public était venu en nombre assister à Bahia of all the Saints (1994), un documentaire pour la BBC de la réalisatrice d’origine tchèque Jana Boková, auteure de plusieurs films de danse, comme Flamenco, Un voyage andalou (1991) ou Tango, Confiteria La Ideal (2004). S’agissant de Salvador de Bahia, on s’attendait à de la samba… La projection s’inscrivait, en outre, dans le cadre du cycle brésilien qui se tient jusqu’au 18 mai, au 51 rue de Bercy.

Présente dans la salle, la réalisatrice s’est souvenue de Bahia of All the Saints comme d’un de ses tournages les plus difficiles, au point même qu’elle crut à un moment devoir renoncer à l’entreprise.
Pourquoi ?
Parce les personnes pressenties ne venaient jamais aux rendez-vous, non qu’elles aient abandonné l’idée de participer au film, ou par simple caprice, mais parce qu’elles souhaitaient jouir du moment présent : "Chacun était comme un petit roi".

Le film s’est tout de même fait : 106 minutes de musique et de lumière, de scènes de danse dans les rues, de carnaval, de cérémonies religieuses alternant avec des interviews de célébrités telles que Gilberto Gil et Caetano Veloso, ou avec un percussionniste qui, tapant sur des bidons, les roulant, les empilant, en tire des sons étranges et magnifiques.
Les stars sont simples, et les inconnus savent se mettre en scène comme des stars.

Beaucoup de femmes : une mère de famille, boulangère et capoeiriste qui parvient à intégrer les gestes de lutte dansée à sa vie quotidienne ; des jeunes filles, reines de beauté d’un soir ; le peintre Babalu, fils d’une Bahianaise et d’un Tsigane de Transylvanie.
Et, peu d’années avant sa disparition, l’ethnologue Pierre Verger (2) qui dit comment il est tombé amoureux de la ville, au point d’avoir désiré y renaître sous une autre identité.

Tous sont d’une aisance surprenante devant la caméra et analysent avec subtilité leur pratique qui consiste à ne jamais séparer musique et danse de leur vie, de se dire continuellement par le geste.


 

Bahia est la terre du candomblé, cette religion syncrétique où les divinités africaines des anciens esclaves se sont mêlées aux saints catholiques. C’est par le corps que se fait le contact avec le divin.

Jana Boková n’a certes pas été autorisée à filmer en détail les rites ; elle se voit par deux fois opposer un refus. C’est qu’on ne filme pas le sacré comme ça…
Malgré tout, la séquence sur le candomblé, dans un tereiro, est l’une des plus réussies du film, et suffisamment longue pour que l’on voie des femmes tournoyer, telles des derviches, avant d’entrer en transe. La divinité, en elles, danse.


 

À part le prologue énoncé par la réalisatrice même sur des images situant "l’action" du film, il n’y a pas de voix off pouvant donner un sens univoque à ce que montre le mouvement. Or, comme avait coutume de dire Martha Graham, "le mouvement ne ment jamais".

Bahia of all the Saints est un film baroque qui transmet directement (ou presque !) la formidable énergie qui émane des individus et de la foule, celle-ci pouvant être à la fois compacte et fluide.
Jamais chaotique, le carnaval donne la sensation d’y être plus authentique que celui de Rio. C’est sur l’image d’un couple métissé, dansant encore, au petit matin, alors que les balayeurs se mettent à l’ouvrage, que le film s’achève.

On ne sent pas la durée du métrage, en raison aussi de la richesse et de la diversité de la bande musicale.

Le film Tango mio (1985) avait enchanté Eric Clapton qui, du coup, avait commandé un portrait filmé à l’auteure (cf. Eric Clapton and Friends, 2003). (3)

Actuellement, Jana Boková (4) a un projet avec un danseur de flamenco tout aussi difficile à gérer que ses protagonistes brésiliens, Farruquito...

Nicole Gabriel
Jeune cinéma en ligne directe avril 2015

1. C’est en 1982, que la Cinémathèque de la danse fut inaugurée par Costa-Gavras.

2. Boková donne à voir les clichés en noir et blanc de Pierre Verger, qui fut également un très grand photographe.

3. Eric Clapton and Friends de Jana Boková, avec Eric Clapton et Steve Gadd ; ph : Javier Aguirresarobe ; son : Jean-François Terrien (2003)

4. On peut voir, dans la collection Cinématon de Gérard Courant, un portrait de Jana Boková (1995).

Jana Boková 12 avril 2015 ©Nicolas Villodre
 

Bahia of all the Saints. Réal : Jana Boková, son : Heron de Alencar ; ph : Guy Gonçalves, José Guerra, Toca Seabra ; mont : Yves Deschamps. Int : Margareth Menezes, Caetano Veloso, Pierre Verger, Pai Air José de Souza, Terreiro Pilao de Prata, Bloco Olodum, Babalu, Cunha, Carlinhos Brown et Timbalada, Joselito Santos de Assis et la Communauté des Alagados, Grupo de Capoeira Angola Pelhourino, Nelma Pereira de Jésus, Bloco Ile Aiye, Batatinha (Grande-Bretagne, BBC, 1994, 106 mn). Documentaire.

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