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Blind (2014)
de Eskil Vogt
publié le dimanche 26 avril 2015

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle et grand prix du scénario du festival de Sundance 2014
Sélection officielle de la Berlinale 2014

Sortie le mercredi 29 avril 2015


 


Film sur la cécité et la jalousie, Blind ne peut que mettre mal à l’aise. Le réalisateur norvégien Eskil Vogt y parvient magnifiquement, même si on a parfois du mal à s’y retrouver entre le réel et le fantasme.
Le but du jeu est de nous mettre dans la même situation qu’Ingrid, jeune femme, cloîtrée chez elle à cause de sa cécité soudaine, qui tente pourtant d’écrire un roman dont la trame va se mêler à sa propre vie. De nombreux passages sulfureux et déroutants présentent des images inoubliables, qui remettent en cause notre vision du monde et de l’amour. Comme si le film tentait de nous mettre dans la peau d’une aveugle, pour ressentir le même frisson que les clients des restaurants dans le noir.


 

Devenue aveugle, Ingrid se retire donc dans son appartement, endroit où elle se sent en sécurité, seule avec son mari et ses pensées. Mais ses peurs profondes et ses fantasmes vont surgir pour irradier le réel d’une lumière mystérieuse, à la frontière de la folie. Blind est une subtile variation autour de la jalousie et de la suspicion, du voyeurisme et de la perception de la réalité.


 


 

Dans le désir d’un homme pour une femme aveugle et d’une aveugle pour un voisin imaginaire, il y a une peinture de ce que la psychanalyse appelle "amaurophilia", autrement dit le désir exclusif de certains hommes pour les femmes aveugles, qui va de pair avec le fétichisme et la névrose.


 

Il plane, tout au long de ce film d’une grande sensualité, un lourd sentiment anxiogène, entre amour et abjection, comme si le fait de ne pas voir pouvait pousser à se désirer encore plus, à s’exhiber et à se fuir - rien de plus facile que de se cacher de quelqu’un qui ne voit pas.


 

Le film n’échappe pas à quelques faiblesses narratives, dans la confusion parfois entre réel et imaginaire, mais aussi par quelques métaphores un peu trop poussées, comme la première promenade dans les rues d’Ingrid avec sa canne, métonymie de la cécité.


 

Mais il y a une idée intéressante, peut-être pas assez creusée, celle d’avoir fait du personnage principal une écrivaine aveugle qui se sert du clavier d’un ordinateur en braille pour raconter ses fantasmes, ses peurs et son ubiquité.

Avec ce premier film prometteur, Eskil Vogt ouvre la porte des cinéastes talentueux de sa génération. Attendons le prochain pour se faire une idée plus précise de son art.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Blind. Réal, sc : Eskil Vogt ; ph : Thimios Bakatakis ; mont : Jens Christian Fodstad. Int : Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Vera Vitali, Marius Kolbenstvedt. (Norvège, 2014, 91 mn).



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