Sorte de Don Camillo du bled, cette comédie pourrait être qualifiée de franchouillarde si elle n’était pas autant auto-revendiquée franco-algérienne.
C’est dire qu’il ne faut pas trop prendre ce film très au sérieux même si son propos, sans être franchement politique, se veut quand même libertaire, engagé dans la lutte des femmes maghrébines pour leur liberté et leur indépendance.

Sans doute parce qu’il n’en a pas eu l’autorisation, Mahmoud Zemmouri fait militer son héroïne, Kenza Boukamache, interprétée par Hafsia Herzi, dans le mouvement Ni Poules ni soumises. On aura deviné, dès le départ, avec le côté caricatural des personnages, tant dans la cité de banlieue française qu’au fin fond du bled algérien, qu’on ne va pas faire dans la dentelle.

Pourtant, le film n’est pas antipathique, qui dénonce à sa manière, burlesque et farfelue, parfois avec mauvais goût mais aussi un grand enthousiasme, la bêtise et l’étroitesse des esprits qui ne pensent qu’à la réussite sociale, aux apparences et aux traditions.
Kenza, militante féministe en France, est la honte de sa famille, et son frère, aidé des cousins du bled, va la droguer pour l’emmener contre son gré en Algérie afin de la marier.

C’est ici que les ennuis commencent. On est censé rire, même si le sujet est assez pathétique. Et pourtant, on ne cesse de se demander jusqu’où veut nous conduire le réalisateur. Le rire freine le scénario : les situations nous mettent souvent mal à l’aise, comme si, par exemple, les femmes algériennes se satisfaisaient parfaitement de la situation dans laquelle les hommes et la société les enferment.

Finalement, et c’est sans doute une de ses prouesses (involontaire ?), le film pose la question : peut-on rire de tout qui mine notre société ?
Gérard Oury se moquait des traditions juives orthodoxes dans Les Aventures de rabbi Jacob, mais il était servi par de bons scénaristes et des acteurs talentueux.
Or, Smaïn Fairouze n’est pas de Funès, et la révolte de Kenza semble surjouée par Hafsia Herzi.

De ce film foutraque, on retiendra cependant la prouesse de ne pas nous ennuyer un instant, même en titillant le cliché jusqu’à casser la mécanique du rire, notamment dans cette séquence pas du tout halal dans laquelle les protagonistes se battent autour du mausolée d’un saint dans un no man’s land algérien improbable.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 365, mai 2015

Certifiée halal. Réal, sc : Mahmoud Zemmouri ; sc : Marie-Laurence Attias ; ph : Bernard Vervoort. Int : Hafsia Herzi, Smaïn Fairouze, Mourade Zeguendi, Jicey Carina (Algérie-France-Belgique, 2014, 85 mn).