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Casa Grande (2014)
de Fellipe Barbosa
publié le mercredi 3 juin 2015

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°365, mai 2015

Sélection officielle du Festival de Rotterdam 2014 et du Festival de San Sebastian 2014.

Sortie le mercredi 3 juin 2015


 


Le film s’ouvre sur un plan fixe d’une très belle maison blanche avec piscine. Un homme sort tranquillement de l’eau, passe un peignoir, entre dans la maison et éteint lentement les lumières de toutes les pièces, pour finir par éclairer celles d’une fenêtre au dernier étage. Ce mouvement immobile donne le ton du film : à la fois Tati et le luxe, le calme, etc., de Baudelaire Un confort bourgeois, celui qu’a connu Fellipe Barbosa, dont c’est le premier long métrage. La maison est d’ailleurs celle de son enfance et de son adolescence, ainsi que le lycée privé dans lequel le héros et ses camarades évoluent.
Le film raconte la lente déchéance d’une riche famille brésilienne installée dans les beaux quartiers de Rio de Janeiro, et dont la fortune se défait inexorablement.


 

Après des études de cinéma à New York, Fellipe Barbosa est revenu au pays pour dénoncer le clivage qui bloque la société brésilienne, encore trop ancrée, selon lui, dans un racisme qui ne dit pas son nom.
Son personnage central, Jean, son double assurément, découvre la lutte des classes à travers la manière dont son père traite ses domestiques, mais aussi dans sa propre manière de partager les sentiments et les idées de ceux qui vivent à l’ombre des riches pour les servir. D’où le titre de Casa Grande, signe extérieur de richesse menacé de disparition puisque le père, ruiné, veut la vendre à un requin d’affaires.


 

De son côté, Jean est tombé amoureux d’une belle jeune fille qu’il pense issue des favelas à cause de l’arrêt d’autobus où elle s’arrête chaque jour, et de son engagement pour la politique des quotas mise en place par Lula en 2006.


 

Fellipe Barbosa fait œuvre révolutionnaire, de manière insidieuse, en montrant à la fois les fractures sociales et les clivages du pays et la proximité, unique au monde, des classes et des ethnies. C’est lorsqu’il partira à la recherche du chauffeur licencié abusivement par son père, que Jean découvrira le monde parallèle et solidaire des favelas.


 

La bonne, dont le jeune homme est amoureux, focalise l’attention du cinéaste : elle traverse le film avec une faconde plébéienne qui en fait un vrai personnage, tout droit sorti de Y tu mama también de Alfonso Cuaron ou de La niña santa de Lucrecia Martel. C’est dans son lit que Jean terminera son apprentissage, après avoir quitté la salle d’examen sans passer l’épreuve, dans son lit niché au cœur d’une favela.

À propos de ce premier film très prometteur, le cinéaste et critique brésilien Kleber Mendonça Meilho a déclaré : " Casa Grande ne ressemble à rien de ce qu’il paraissait possible de faire ici il y a encore quinze ans. Il a beaucoup de charme, de subtilité et juste ce qu’il faut d’acidité pour montrer, sans tout gâcher, combien la société de ce pays est folle, raciste."

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°365, mai 2015


Casa Grande. Réal, sc : Fellipe Barbosa ; sc : Karen Sztajnberg ; ph : Pedro Sotero ; mont : K.S., Nina Galanternick ; mu : Victor Camelo, Patrick Laplan. Int : Thales Cavalcanti, Marcello Novaes, Suzana Pires, Alice Melo (Brésil, 2014, 115 mn).



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