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Vierge sous serment I (2015)
de Laura Bispuri
publié le mardi 29 septembre 2015

Sélection en compétition du festival de Berlin 2015

Sortie le mercredi 30 septembre 2015

par René Neufville
Jeune Cinéma n° 368, automne 2015


 

Lire ensuite Vierge sous serment II (rebond)

À la mort de son père, Hana a été recueillie par son oncle et a grandi avec sa cousine Lila dans un village reculé des hautes montagnes d’Albanie.
Pour échapper au mari qu’on lui destine, Lila s’enfuit de son pays avec son amoureux. De son côté, Hana choisit pour fuir son destin de femme soumise de faire vœu de virginité à jamais, devant un aréopage d’anciens du village et, selon le droit coutumier d’ancienne tradition ottomane, devenir une vierge sous serment.


 

Elle s’habille en homme, manie le fusil, et devient Mark, qui bénéficie ainsi de la même considération que les autres hommes. Mais après dix ans passés dans la solitude des montagnes, Mark quitte son pays pour rejoindre Milan où elle retrouve sa cousine Lila, son âme sœur. Avec elle et sa fille Jonida qui pratique la natation synchronisée, Mark va lutter pour se débarrasser de ses habits d’homme et apprendre à redevenir Hana, et à réunir les deux âmes qui vivent dans son corps depuis longtemps et qui lui sont nécessaires pour être heureuse.

Ce n’est pas rendre justice au film que d’en présenter l’argument de manière aussi linéaire.

Tant le premier long métrage de la réalisatrice italienne Laura Bispuri installe avec grâce une structure narrative fragmentée pour rendre compte d’une identité brisée, et parcourir des épisodes narratifs vers la liberté retrouvée par la reconquête de son corps, d’une femme qui a sacrifié sa féminité pour sa liberté puis son honneur pour redevenir elle-même.

L’approche anthropologique sous-tend la partie albanaise avec une vision documentaire très maîtrisée où la tradition de la vierge sous serment, en voie de disparition heureusement, est montrée frontalement, dans l’épaisseur de l’identité d’une communauté montagnarde.
Un regard plus sociologique et dépouillé domine dans la partie milanaise, avec l’appartement trop étroit de Lila, le parking où Mark travaille la nuit et surtout ce bassin où évoluent de jeunes pieuvres qui, derrière le masque de leur émancipation corporelle, affichent des sourires forcés sous un maquillage appuyé.

La caméra de Laura Bispuri capte avec sensualité et sans complaisance les moments où Hana se débarrasse progressivement de son accoutrement qui la faisait passer pour un homme.


 

"C’est un film sur le corps - dit la cinéaste - un corps congelé qui va se décongeler progressivement… au fur et à mesure que Mark libère la femme qui est en lui". Les questions du genre, de la féminité et de la liberté sont ainsi explorées sans que les mots soient évoqués, sans faire de bruit, ce qui fait la délicatesse du film.

Vierge sous serment trouve une grande force émotionnelle avec l’interprétation très simple et concentrée de Alba Rohrwacher, qui donne beaucoup d’authenticité au personnage d’Hana / Mark.
Une vraie leçon de cinéma sur des sujets d’actualité, d’une belle discrétion idéologique et d’une grande conscience morale et esthétique.

René Neufville
Jeune Cinéma n° 368, automne 2015

Vergine giurata (Vierge sous serment). Réal : Laura Bispuri ; sc : LB, Francesca Manieri ; ph : Vladan Radovic ; mont : Carlotta Cristiani. Int : Alba Rohrwacher, Lars Eidinger, Flonja Kodheli, Emily Ferratello, Luan Jaha (Italie-Albanie, 2015, 87 mn).

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