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Loi du marché (la) (2015)
de Stéphane Brizé
publié le mardi 3 novembre 2015

par René Prédal
Jeune Cinéma n°366-367, été 2015

Prix d’interprétation masculine pour Vincent Lindon, festival de Cannes 2015

Sortie le mardi 19 mai 2015


 

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Depuis son premier film (Le Bleu des villes, 1999) et jusqu’à ce dernier, le sixième, Stéphane Brizé peint la banalité du quotidien d’hommes et de femmes “sans qua- lités”.

Mais Brizé n’est pas Musil, car lui manque la profondeur existentielle, comme il n’est ni Ken Loach ni les frères Dardenne, dont il n’a pas la violence et la noirceur.

La Loi du marché est certes un “film social”, mais triste et gris.

C’est aussi le troisième portrait de Vincent Lindon, maçon dans Mademoiselle Chambon (2009), “fils maudit” (à la Charles Aznavour) dans Quelques heures de printemps (2012), chaque fois en duo, et ici tout seul plein cadre en recherche d’emploi (premier volet) puis en agent de surveillance (deuxième volet), l’humiliation faisant le lien entre la première partie (où c’est lui qui est humilié) et la seconde (où ce sont les autres qui le sont sous ses yeux). De fait, la structure du film est solide, bâtie sur des tendances contraires habilement distribuées : un comédien face à de “vrais gens”, sphère privée - milieu professionnel, recherche puis exercice du travail, volonté d’intégration - impossibilité de supporter...


 

Le regard est sensible, le personnage juste et l’interprétation fait le reste, Lindon étant le seul acteur français d’aujourd’hui crédible en prolétaire.

Entièrement filmée du côté des victimes, fatiguée, résignée, piégée dans la vie comme dans les longs plans séquence, toute une humanité souffrante suscite l’émotion par la sobriété du tournage, bouleverse même parfois.
Mais irrite aussi profondément quand, pour charger la barque, Brizé ajoute un enfant handicapé au fardeau qui devient alors d’un misérabilisme pesant.

Car si ce constat accablant force le respect et semble avoir été réalisé dans ce but (comment oser ne pas être pour ?), il manque à cet esprit “Seigneur, prends pitié” des églises un élan, un regard offensif pour faire bouger le réalisme plat du tableau.

Et ce n’est pas la mini révolte finale qui peut nous satisfaire car elle se matérialise par la fuite et non dans l’action.

René Prédal
Jeune Cinéma n°366-367, été 2015

La Loi du marché. Réal : Stéphane Brizé ; sc : S.B., Olivier Gorce ; ph : Éric Dumont ; mont : Anne Klotz. Int : Vincent Lindon, Yves Ory, Karine De Mirbeck, Matthieu Schaller, Xavier Mathieu, Rami Kabteni (France, 2015, 93 mn).

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