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Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2003)
de François Dupeyron
publié le samedi 27 février 2016

par Jérôme Fabre
Jeune Cinéma 284, septembre-octobre 2003

Sélection Mostra de Venise 2003

Sortie le mercredi 17 septembre 2003


 

Si la Mostra de Venise avait dû décerner un prix œcuménique, elle l’aurait sans doute aucun offert sur un plateau d’argent, la conscience bien au chaud, à Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, pâtisserie orientale gorgée de bon sentiments jusqu’à l’écœurement par un François Dupeyron venu promener Omar Sharif (1) sur la lagune.

On avoue avoir du mal aujourd’hui à appréhender les ambitions cinématographiques de l’auteur de Drôle d’endroit pour une rencontre qui se fourvoie ici encore - et après La Machine de René Belleto ou la Chambre des officiers de Marc Dugain - dans une adaptation littéraire aussi improbable qu’académique.


 


 

Adapté du roman de l’épouvantable Éric-Emmanuel Schmitt, situé dans un Paris 60’ à faire passer Un américain à Paris pour la figure de proue du néoréalisme, swingué au rythme des tubes de "Salut les copains", et filmé avec l’ampleur du feuilleton de l’été de France 2, Monsieur Ibrahim est tellement désarmant de naïveté et de niaiserie assumées qu’on ne saurait vraiment le détester.

Les messages derrière cette idylle qui se noue entre un adolescent juif et un vieil épicier musulman au grand cœur sont assurément que les Juifs et les musulmans sont des gens gentils et normaux, que tout le monde adore, et qui se vouent un amour réciproque, que les putes ont un cœur gros comme ça et vous dépucèlent pour pas cher, que les méchants papas se suicident et que les gentils vieux messieurs adoptent les gentils enfants des méchants papas suicidés.


 

Dit comme cela, les messages semblent très compliqués, mais le sourire d’Omar Sharif qui vous vend le Coran comme il vous vendrait le tiercé, dents du bonheur et larmes à l’œil, et l’interprétation d’Isabelle Adjani, qui trouve ici son meilleur rôle, font passer la sauce très facilement : on en oublierait presque notre envie d’acheter le jeune Pierre Boulanger pour le battre.


 

Et on comprend finalement que l’ambition de François Dupeyron est aujourd’hui de trouver la formule destinée à s’assurer l’estime des lectrices de Madame Figaro qui envoient leur bonne capverdienne acheter la farine de l’Arabe du coin.

Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°284, septembre-octobre 2003

1. Omar Sharif meilleur acteur à la Mostra de Venise 2003, ex-aequo avec Benicio Del Toro (pour 21 Grammes de Alejandro González Iñárritu).

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Réal, sc : François Dupeyron d’après E.E. Schmitt ; ph : Rémy Chevrin ; mont : Dominique Faysse. Int : Omar Sharif, Éric Caravaca, Pierre Boulanger, Gilbert Melki, Isabelle Renauld, Isabelle Adjani (France, 2003, 94 mn).

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