La narration du quatrième long métrage du réalisateur allemand Ulrich Köhler se décline en deux parties.
Une première, assez laborieuse et sombre, présente Armin (Hans Löw), désemparé face à l’agonie de sa grand-mère ; sa mère est introuvable, son père pleure et une femme le plante. Tout cela est filmé dans le plus grand réalisme, sans aucune retenue ni délicatesse. Armin incarne un loser très atteint, sans énergie ni volonté dans une vie qui le rend malheureux.

Quand - seconde partie -, il se réveille un matin et ne découvre, autour de lui, plus aucune vie humaine, c’est alors la plongée dans une folie qui n’est pas sans évoquer un Robinson Crusoé contemporain.

La surprise passée, Armin se construit peu à peu sa nouvelle vie : il change physiquement, devient plus robuste, plus fort, il bricole, et s’installe dans une ferme qu’il a réparée, entouré d’animaux qu’il a sauvés du désastre.
L’espace prend alors une lumière chaleureuse et ensoleillée, les paysages sont paisibles et la vie semble lui convenir. Hans Löw est saisissant, littéralement métamorphosé par ce nouveau monde qui s’offre à lui ; son regard est curieux, son expression est raffermie et responsable, ses gestes sont plus tendres, notamment avec Kirsi (Elena Radonicich), nouvelle Ève survivante, à la mesure de ce nouvel Adam.

Dans cette histoire biblique, le réalisateur développe une autre possibilité de vie, autosuffisante, économe et presque heureuse, où se pose la véritable question de la liberté. De très beaux moments de cinéma dans cette impressionnante situation originale d’un monde inexploré où tout est à réinventer et à éprouver de nouveau.
La proposition de cette expérience invraisemblable de Ulrich Köhler est séduisante et tentatrice.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018

In My Room. Réal, sc : Ulrich Köhler ; ph : Patrick Orth ; mont : Laura Lauzemis. Int : Hans Löw, Elena Radonicich, Michael Wittenborn, Ruth Bickelhaupt (Allemagne-Italie, 2018, 119 mn).