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Made in Bangladesh (2019)
de Rubaiyat Hossain
publié le mercredi 4 décembre 2019

par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 4 décembre 2019


 


Ce titre comme un manifeste - à l’inverse des étiquettes peu visibles dans les coutures des vêtements - désigne un pays plus connu pour son industrie textile que pour son cinéma largement méconnu. Rubaiyat Hossain, qui avait déjà traité en mode mineur dans un film précédent (1) le destin d’une domestique devenue ouvrière d’un atelier de couture, reprend le thème en l’élargissant à la condition féminine bangladeshi exploitée.


 

Après le choc de l’incendie de son atelier, Shimu, une très jeune femme, rencontre une journaliste venue enquêter et c’est le déclic de sa prise de conscience. Au fur et à mesure qu’elle s’engage dans le combat épuisant de la constitution d’un syndicat, elle mène un combat parallèle pour gagner son indépendance face à l’autorité d’un mari chômeur qui s’avère jaloux et suspicieux.


 

Dans sa constellation gravitent d’autres femmes, ses compagnes de travail ; elle recueille l’une d’elles, mise à la porte par sa tante lorsqu’elle est au chômage et que son mari vire à son tour. Sa propriétaire, une Thénardier, réclame son dû et la sermonne plantée devant la télévision où défilent publicité et séries sexistes. Sur le chemin de l’émancipation, elle trouve un appui auprès des féministes d’une ONG qui œuvre pour le droit des femmes.

À l’usine, un local délabré, où tout dénonce le mépris des mesures de sécurité, les jeunes ouvrières, au prix du salaire de la peur, sont mises en concurrence, espionnées, discriminées, injuriées en tant que femmes par des contremaîtres répugnants. Plus éduquée que ses amies, Shimu parvient à vaincre l’isolement, la crainte des représailles et à obtenir les signatures pour déposer les statuts d’un syndicat.


 


 

Sabine Lancelin, "chef opératrice de la pénombre", crée, par le clair-obscur, les moments de quiétude dans l’espace exigu de la chambre de Shimu. Dans les rues, les couleurs chatoyantes des saris des jeunes femmes - qui se déplacent en groupe pour leur sécurité - contrastent avec celles de la misère de Dacca.


 

La scène de la visite dans l’atelier des commanditaires européens cible tacitement les entreprises comme Zara du groupe Inditex, Nike, H & M, Carrefour, Uniqlo dont le chiffre d’affaires florissant rime avec indécent, en masquant l’exploitation éhontée des masses ouvrières du textile, mise en lumière par l’incendie du Rana Plaza. (2)


 

Lorsque Shimu obtient à l’arraché d’un fonctionnaire corrompu l’enregistrement du syndicat, on savoure sa victoire. On pense à la Norma Rae de Martin Ritt (1978), dont Rubaiyat Hossain se réclame. (3)
Sa rencontre avec Daliya Akter, une jeune syndicaliste qui avait perdu son travail, fut décisive dans l’écriture du scénario, des dialogues et sur le tournage dans une usine abandonnée.

Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Rubaiyat Hossain a réalisé trois longs métrages, qui tous ont été sélectionnés et récompensé dans de nombreux festivals : Meherjaan (2011) ; Les Lauriers-roses rouges (Under construction, 2015), et Shimu (Made in Bangladesh, 2019).

2. Cf. Olivier Cyran, "Au Bangladesh, les meurtriers du prêt-à-porter" in Le Monde Diplomatique, juin 2013. L’effondrement de
L’immeuble Rana Plaza, à Dacca, abritait des ateliers de confection travaillant pour des marques internationales. Il était fissuré, et la veille, des consignes d’évacuation avaient été données, et ignorées par les responsables des ateliers. Il s’est effondré le matin du 24 avril 2013, juste après l’entrée des ouvrières. Bilan : plus de 1100 morts.

3. Norma Rae de Martin Ritt (1978), sélection officielle du Festival de Cannes 1979, Prix d’interprétation pour Sally Field, a reçu deux Oscars en 1980, meilleure actrice et meilleure musique.


Made in Bangladesh (Shimu). Réal : Rubaiyat Hossain ; sc : Rubaiyat Hossain, Philippe Barrière ; ph : Sabine Lancelin ; mont : Raphaëlle Martin-Hölger, Sujan Mahmud ; mu : Tin Soheili. Int : Rikita Shimu, Novera Rahman, Deepanwita Martin, Parvin Paru, Mayabi Maya, Mostafa Monwar, Shatabdi Wadud (France, Bangladesh, Danemark, Portugal, 2019, 95 mn).



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