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Roudé, Catherine (livre)
Le Cinéma militant (Slon et Iskra) (2017)
publié le vendredi 12 août 2022

par Robert Grélier
Jeune Cinéma n°387, mai 2018

Catherine Roudé, Le Cinéma militant à l’heure des collectifs, Presses universitaires de Rennes, 2017.


 


La place singulière qu’occupe Iskra, société de production et de distribution, qui fête cette année ses cinquante ans d’existence, mérite bien cette monographie. Catherine Roudé brosse avec minutie les hauts et les bas d’un collectif coopératif qui débute en 1967 par une société belge appelée Slon ("éléphant", en russe), laquelle deviendra Iskra ("étincelle", toujours en russe).
Ces noms de baptême, on les doit à Chris Marker, figure tutélaire des deux entités. Son ambition, pour Slon, est explicitée par l’objet social de la société qui est d’assurer "la promotion, la réalisation, l’acquisition, l’adaptation, la diffusion, la vente d’œuvres cinématographiques nouvelles". Aucun a priori politique, position importante à l’époque où chaque groupe, groupuscule, parti, mouvement, prétendait à posséder sa propre culture cinématographique.

Tout débuta en 1967 par le court métrage de Mario Marret & Chris Marker, À bientôt j’espère, et le long métrage Loin du Vietnam, initié collectivement mais orchestré par Chris Marker.

Catherine Roudé analyse les différentes phases, liées le plus souvent à des changements de priorité événementielle. À chaque période, de nouveaux thèmes apparaissent. À plusieurs reprises, l’auteur s’interroge sur le travail effectué par les différents protagonistes. Est-ce une activité de militant politique ? Trop longtemps, et malgré lui, Chris Marker a été identifié au collectif. Très souvent d’ailleurs, les cinéphiles et commentateurs décèlent sa griffe…

Un vaste réseau d’amis fédéré par le coordinateur de Loin du Vietnam prête sa main ici et là, d’autant qu’au cours des années soixante-dix, les projets de production et de distribution explosent. La structure artisanale a beaucoup de mal à résister à toutes les envies des uns et des autres. Le mérite du collectif, c’est d’avoir parcouru sa route sans être lié à des étiquettes, et comme l’affirmait Mario Marret en décembre 1967 : "Il est important que les cinéastes soient à l’endroit où se fait le monde et au moment où il se fait".
Iskra assume sa qualité d’outil, au bénéfice de qui veut s’en servir. Sans état d’âme, la structure joue son rôle de passeur, établissant même des passerelles entre cinéastes et monde ouvrier avec notamment la création du Groupe Medvedkine. (1)

Robert Grélier
Jeune Cinéma n°387, mai 2018

1. À l’occasion du cinquantième anniversaire de mai 1968, Les Mutins de Pangée, avec Iskra, ont eu l’heureuse idée de rééditer l’important coffret des films produits par cette famille légendaire. Précédemment édité par Montparnasse, mais aujourd’hui épuisé, ce nouvel écrin intitulé Les Groupes Medvedkine 1967-1974, une expérience unique de cinéma en usine recense quinze films regroupés sur trois DVD.
Du référentiel À bientôt j’espère (1967) de Chris Marker & Mario Marret à Septembre chilien de Bruno Muel & Théo Robichet (1973), tous témoignent de la vitalité de Slon et d’Iskra durant cette période charnière. Un livre de 170 pages, abondamment illustré et étoffé par un appareil critique conséquent, rend compte de chacun des films.


Catherine Roudé, Le Cinéma militant à l’heure des collectifs Slon et Iskra dans la France de l’après-1968, Presses universitaires de Rennes, coll Le Spectaculaire-Cinéma, 2017, 306 p.



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