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Tomuya, Endo & Vincent, Pascal-Alex (livre)
L’Âge d’or du cinéma japonais 1935-1975, vol II (2019)
publié le mardi 23 août 2022

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°392-393, février 2019

Tomuya, Endo & Vincent, Pascal-Alex, L’Âge d’or du cinéma japonais 1935-1975, vol II. Dictionnaire des acteurs et actrices japonais, Paris, Carlotta, 2018 (+ 4 DVD).


 


Il y a deux ans, Carlotta publiait, déjà sous la houlette de Pascal-Alex Vincent (avec vingt-deux contributeurs), un Dictionnaire des cinéastes japonais fort utile, car il venait occuper une place bien vide.

Le cinéma nippon des années 30 aux années 70 n’est pas une terre totalement inconnue, mais la connaissance de l’amateur moyen ne va guère au-delà des grands noms classiques, pour de simples raisons d’accessibilité. Si les cinéastes primés dans les festivals ont vu leurs films distribués, nombre de leurs contemporains méritants sont restés dans l’ombre.
Le travail de découverte effectué par la Maison du Japon à Paris est remarquable, mais il est récent.
Nous pouvons désormais avouer avoir longtemps confondu, faute de voir leur production, Gosha (Hideo) et Gosho (Heinosuke), Shimazu (Yasujirō) et Shimizu (Hiroshi). Et l’épluchage des notices des cent un réalisateurs choisis nous a appris qu’un cinéaste pouvait en cacher d’autres : derrière notre cher Seijun Suzuki - Ah, La Marque du tueur (1967) ! -, il y avait un Hideo et un Noribumi Suzuki. Et dans la famille Yamamoto, il n’y avait pas que Satsuo, dont Quartier sans soleil (1954) fit les beaux soirs des ciné-clubs des années 60, mais aussi Eiichi et Kajiro, dont nous ne connaissions - et ne connaissons toujours – rien. Personne n’est parfait.

Ce coffret (242 pages + six DVD), n’était pas annoncé comme un premier volume, mais le succès obtenu a fait surgir ce second tome, réservé cette fois aux acteurs. L’initiative est excellente, car plus nécessaire encore que le dictionnaire précédent. Si, à force d’hommages et de rétrospectives, on parvient à citer quelques dizaines de cinéastes japonais, l’éventail des acteurs de la période est bien plus limité. Excepté les visages souvent vus chez Akira Kurosawa - Toshiro Mifune, Tatsuya Nakadai, Takashi Shimura -, ou chez Kenji Mizoguchi - Machiko Kyo, Kinuyo Tanaka, Masayuki Mori -, les quelques actrices qui ont tourné en France, Keiko Kishi, Yoko Tani, et Eiji Okada, à cause de Hiroshima mon amour, le reste nous échappait. Nous n’aurons plus d’excuses.

Deux signataires seulement, Pascal-Alex Vincent et Endo Tomuya, et la répartition penche nettement du côté du second : vingt notices TE pour dix PAV. Partage compréhensible : un connaisseur français, même éminent, est plus apte à traiter des acteurs familiers aux Occidentaux – ceux cités plus haut –, que de Ganjiro Nakamura, Ayako Wakao, Hibari Misora ou Rentaro Mikuni, dont la renommée demeure nationale.

Les trente notices sont extrêmement fournies et détaillées, chaque comédien(ne) ayant droit à une dizaine de pages et autant de photos, souvent superbes.
On découvre que des actrices dont le nom n’évoquait rien ont en réalité peuplé notre imaginaire : Nobuko Otowa, par exemple, parmi les cent soixante-trois films qu’elle a tournés, fut l’héroïne de L’Île nue (1960), réalisé par son époux Kaneto Shindo, ainsi qu’une des dévoreuses de Onibaba (1964), du même, inoubliable pour ses spectateurs du temps. De même Isuzu Yamada, au patronyme inconnu, qu’on a vue en magnifique lady Macbeth chez Akira Kurosawa dans Le Château dee l’araignée (1957), et en mère retrouvée dans Crépuscule à Tokyo de Yasujirō Ozu (1957). Etc.

Endo Tomuya (1) décrit rapidement, dans sa préface, le système des studios de l’âge d’or, Nikkatsu, Shochiku, Daiei, Toho, etc., qui leur permettait de tourner deux films par semaine, soit cinq cents par an. On comprend pourquoi il était impossible de compléter chaque notice par une filmographie : le moins sollicité des acteurs a joué dans plus de cent films, le record semblant appartenir à Kazuo Hasegawa, le héros de La Porte de l’enfer de Teinosuke Kinugasa (1953) que Endo Tomuya crédite de plus de trois cents titres.

Un acteur pouvait interpréter des dizaines de films du même réalisateur : Raizo Ichikawa, a tourné vingt-neuf films avec Kazuo Mori, Yujiro Ishihara, vingt-cinq avec Toshio Masuda, et Kaneto Shindo quarante avec Nobuko Otowa…

L’ouvrage est complété par un glossaire d’une vingtaine de termes (outre chambara et jidai-geki, on y apprend que roman porno est un genre dérivé du pinku eiga), et d’un index de tous les titres cités dans les notices, et dont certains donnent à rêver – verra-t-on un jour Quand le gâteau de sucre s’effondre de Tadashi Imai (1967), Les Mouchoirs jaunes du bonheur de Yoji Yamada (1977) ou La Geisha à la bouche épineuse de Kunio Watanabe (1962) ? Tout un univers à découvrir…
Que souhaiter de plus ? La suite.
Entre 1975 et 2015, la richesse du cinéma japonais ne s’est pas amoindrie et deux autres dictionnaires du même ordre seraient les bienvenus.
En attendant, entre un bol de ramen (le plat unique de Toshiro Mifune sur les tournages, nous a appris le documentaire de Okazaki) et un verre de saké, on peut déguster ad libitum ces deux savoureux volumes.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°392-393, février 2019

1. Par ailleurs, chanteur talentueux (en français) et auteur d’une encyclopédie des films japonais adaptant des romans français - une somme ébouriffante non traduite (encore) ici.


Endo Tomuya & Pascal-Alex Vincent, coffret L’Âge d’or du cinéma japonais 1935-1975, vol II, Dictionnaire des acteurs et actrices japonais, Paris, Carlotta, 2018, 272 p.
Dans un coffret avec quatre DVD : Quand une femme monte l’escalier de Mikio Naruse (1960), Le Goût du saké de Yasujirō Ozu (1962), Aveux, théories, actrices de Yoshishige Yoshida (1971), Mifune, the Last Samurai de Steven Okazaki (2016).



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