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Mister Freedom (1968)
de William Klein
publié le samedi 8 octobre 2022

par Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°32, septembre 1968

Sortie le mercredi 8 janvier 1969


 


Présenté avec Baisers volés de François Truffaut (1968), et Jaguar de Jean Rouch (1967), Mister Freedom de William Klein (1968), inaugurait le 12 août 1968, les séances cinématographiques, dans la Cour d’honneur du Palais des papes au Festival d’Avignon.


 


 

Mister Freedom, c’est Superman envoyé par Lyndon B. Johnson pour sauver de la subversion rouge ce dernier bastion du monde libre qu’est la France. Cet argument de bandes dessinées, William Klein l’a traité en un style de music-hall sans doute inspiré par les émissions publicitaires de la télévision américaine. Mr Freedom, mi-samouraï, mi-champion de base-ball, semble lancer un produit détergent qui laverait "plus-bleu-blanc-rouge". On prend un vif plaisir à voir descendre du plafond un De Gaulle en baudruche tricolore, un Mao en dragon gonflable remplir toute la station du métro Saint-Martin, et le ministre de l’Éducation nationale, Christian Fouchet, annoncer, par voix de juke-box, la création de comités de délation civique.


 


 

Toute cette première partie pose en termes clairs et justes le conflit, non entre Américains et Français, non entre capitalistes et socialistes, mais entre chefs d’États et militants révolutionnaires, entre ceux qui fanfaronnent et se "dégonflent" et ceux qui agissent. Il semble cependant que le style choisi (chefs d’États-bibendum et activistes de BD) désamorce un peu un propos qui se voulait une invite à une vraie réflexion.


 

Il en va tout autrement pour l’autre thème de William Klein, celui des prétentions américaines à sauver le monde de la barbarie rouge. Là, tous les gags portent : les homélies de Lyndon B. Johnson ponctuées de "amen" par un Donald Pleasence plus onctueux que jamais, et l’ascension de Mr Freedom dans un gratte-ciel où il se vend au-dessus de Standard Oil et d’United Fruit, ou bien ces stigmates qui saignent au flanc du messie américain et son désespoir à se voir traiter de fasciste par un jeune contestataire en herbe. Quand, en attendant Freedom, les fans français, anciens combattants et jeunes paras s’exercent et s’amusent, pour garder la main, à torturer et à violer, on s’aperçoit que l’humour est devenu rouge et noir, et que ces violences de bandes dessinées, pour rire et pour dormir, en évoquent d’autres de manière insoutenable.


 

C’est que le style a changé. Les super-revues à majorettes et refrains ont laissé la place à un étrange ballet réaliste et assez horrible des acteurs masqués ou peinturlurés miment des scènes de supplice ou de matraquage, avec une frénésie qui rappelle les transes des acteurs du Living Theatre.


 

Confrontées avec ces scènes cruelles, les séquences de reportages filmées pendant le mois de mai 1968 à Paris, que William Klein a insérées à la fin du film, paraissent un peu pâles et moins efficaces que le montage extra-rapide de documents pris sur le vif qui symbolise l’Amérique au début.
On prend plaisir seulement à ces trucages qui font chanter "Adieu Freedom" aux manifestants de la gare de Lyon, ou vitupérer Daniel Cohn-Bendit contre l’ingérence américaine.


 


 

Mais on est davantage touché par ces charges énormes, de caractère théâtral, ce soldat rouge à tête de mort, ou encore le finale horrible et drôle où Lyndon B. Johnson conseille un peu de repos à un Freedom démantibulé, qui cherche à tâtons le bras qu’il vient d’égarer en se faisant sauter avec sa propre bombe.

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°32, septembre 1968

* Cf. "Entretien avec William Klein", Jeune Cinéma n°100, février 1977).


Mister Freedom (Mr Freedom). Réal sc, dial, cost, dessins : William Klein ; ph : Pierre Lhomme ; mont : Anne-Marie Cotret ; mu : Serge Gainsbourg & Michel Colombier ; déc : Jacques Dugied. Int : Delphine Seyrig, John Abbey, Philippe Noiret, Donald Pleasence, Jean-Claude Drouot, Serge Gainsbourg, Rufus, Catherine Rouvel, Yves Lefebvre, Sami Frey, Monique Chaumette, Yves Montand, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Luc Bideau, Simone Signoret, Hugues Quester, Michel Creton (France, 1968, 105 mn).



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