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Machine (la) (1977)
de Paul Vecchiali
publié le samedi 21 janvier 2023

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°106, novembre 1977

Sortie le 14 septembre 1977


 


En réalisant La Machine, Paul Vecchiali a certainement largement puisé les éléments de son film dans l’affaire Patrick Henry (1).
Par son exemplarité, elle offrait un matériau de choix pour mener une réflexion sur la peine de mort. Mais il a su aussi s’écarter suffisamment de ce modèle pour donner à son film une portée plus générale, évitant le piège de la personnalisation pour mieux approfondir les mécanismes de la justice et de l’acte criminel. Ainsi, La Machine représente-t-elle autant un système judiciaire et social que le simple instrument qu’est la guillotine.


 

Dès le départ, Paul Vecchiali évacue tout l’aspect anecdotique qu’un film sur un tel sujet pourrait comporter. Il y a la volonté tenace d’organiser le récit de telle manière que le dilemme victime / meurtrier soit dépassé pour parvenir à une compréhension plus rationnelle.
Même si l’on peut avoir le sentiment que la démonstration ne parvient pas à un résultat définitif - comment pourrait-il en être autrement ? -, il n’en reste pas moins que le cinéaste franchit un pas important dans l’analyse de ce que peut être un meurtre d’enfant et de ce qu’un tel acte peut mettre à jour.


 

Un des grands mérites du film est de dépasser l’attitude qui consiste à dire : "C’est un geste monstrueux, mais il ne mérite pas la peine de mort". Cette notion de monstruosité est au cœur du film. Paul Vecchiali s’attache à montrer en quoi la machine sociale, les médias en premier lieu, a besoin de façonner l’image du monstre pour mieux justifier sa "nécessaire" élimination.


 

On rejoint ici toute la problématique du normal / anormal renforcée par le fait que Pierre Lentier (le meurtrier du film) est à bien des égards le reflet d’un mode de vie. Il est un de ces Français "moyens" qui vivent quotidiennement l’anonymat de la ville et la médiocrité d’une vie sans surprise et sans joie. Jusqu’au jour où, sans le savoir clairement, il sort, à sa façon, de la norme. Et ce n’est qu’au moment d’entendre la sentence qu’il parviendra à formuler en quoi cette norme est une oppression quotidienne.


 

On peut être plus ou moins convaincu par l’argumentation soutenue par le film. En tous cas, elle ouvre une voie intéressante et elle a le mérite d’étayer avec plus de rigueur la revendication d’abolition de la peine de mort qu’exprime Paul Vecchiali. C’est cette rigueur qui donne à la fin du film toute sa force ; le refus de la dramatisation est poussé jusqu’au bout.


 

En se refusant à tout élan sentimental par rapport à son personnage et dans la façon dont il traite l’exécution de Lentier, Paul Vecchiali nous fait sentir l’horreur de la peine de mort. Même si l’on est déjà un adversaire convaincu de l’exécution capitale, il faut avoir vu La Machine pour vivre quasi physiquement ce dont il s’agit : l’absurde.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°106, novembre 1977

1. Patrick Henry (1953-2017) a enlevé et tué un enfant de 7 ans en 1976. Il n’a pas été condamné à la peine de mort grâce à ses avocats, Robert Bocquillon et Robert Badinter. Son procès est devenu celui de la peine de mort en France, qui a été abolie en 1981.


La Machine. Réal : Paul Vecchiali ; sc : P.V. & Jean Christophe Bouvet ; ph : Georges Strouvé ; mont : P.V., Franck Mathieu & Françoise Merville ; mu : Roland Vincent. Int : Jean-Christophe Bouvet, Sonia Saviange, Monique Mélinand, Maurice Gautier, Frédéric Norbert, Michel Delahaye, Jean-Claude Guiguet, Marie-Claude Treilhou, Gérard Blain, Paulette Bouvet, Hélène Surgère, Paul Vecchiali, Max Amyl, Jean-Claude Biette, Liza Braconnier, Gérard Frot-Coutaz, Gaston Haustrate, Dominique Rabourdin, Noël Simsolo, Jean-François Stévenin (France, 1977, 100 mn).



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