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Almamula (2023)
de Juan Sebastian Torales
publié le mercredi 7 août 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle Génération de la Berlinale 2023

Sortie le mercredi 7 août 2024


 


Le cinéma argentin est surprenant et dérangeant, souvent. Almamula en est un exemple récent. Pour son premier long métrage, après cinq courts métrages remarqués, Juan Sebastian Torales nous livre ici une réflexion sur la naissance du désir homosexuel masculin. Malheureusement, englué dans des réflexions et des allusions plutôt sibyllines et occultes, le film rate quelque peu sa cible en s’enfonçant dans le non-dit et le suggéré. Toutefois, les images de Ezequiel Salinas sont belles, et les acteurs remarquables, à commencer par Nicolás Díaz, dans le rôle principal du jeune Nino, et le troublant Beto Frágola dans celui de Malevo, le jardinier dénudé, cet obscur objet du désir du jeune Nino.


 


 

Nino défraie la chronique et effraie sa mère, la très catholique doña Estela, en imaginant même le sexe du Christ en croix. Celle-ci, en effet, croyant protéger son fils efféminé, raillé et battu par les autres élèves, emmène toute la famille à la campagne en été, mais sans compter sur l’attraction érotico-morbide d’Almamula, le monstre qui vit dans la forêt enchantée située tout près de chez eux, emplie de menaces et de désirs, et qui enlève tous ceux qui commettent le péché charnel. Alors qu’il assiste aux leçons de catéchisme préalable à sa confirmation, Nino se sent étrangement attiré par la forêt maudite.


 


 

La lisière de cette forêt, attirante comme le sexe masculin, est celle que marque la présence du corps nu de Malevo lorsqu’il pêche et que Nino s’enhardira jusqu’à le caresser. Entre rêve, fantasme et réalité pesante de la culture judéo-chrétienne propre à l’Argentine et à une grande partie de l’Amérique du Sud, le film déroule un malaise, comme si le réalisateur avait du mal (et de la pudeur) à revenir sur sa propre enfance, car il est certain que le portrait de Nino est aussi le sien. Film post-freudien, qui convoque parfois l’imaginaire buñuélien, Almamula est aussi une confession de type rousseauiste, mais à mots couverts, non pour demander un pardon mais comme pour revivifier "le vert paradis des amours enfantines".


 


 

Le film remet en question la morale chrétienne et son corollaire, la passion pour l’amour triste et dégoûtant, alors que la sexualité, c’est la vie. Le réalisateur le résume ainsi : " Almamula est né dans cette terre, comme le résultat d’une blessure émotionnelle de mon enfance. Comme pour beaucoup de choses inventées par l’Église catholique, l’almamula a été créée pour effacer tout ce qu’elle considérait comme immoral ou menaçant. Ainsi, Almamula ne raconte pas l’histoire du monstre qui vit dans la forêt, mais le monstre que nous avons créé autour de la sexualité".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Almamula. Réal, sc, mont : Juan Sebastian Torales ; ph : Ezequiel Salinas ; mu : Matteo Locasciulli ; int : Nicolas Diaz, Martina Grimaldi, Maria Soldi, Cali Coronel, Beto Fragola (Argentine, 2023, 94 mn).



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