par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°430, été 2024
Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2024
Prix d’interprétation masculine Abou Sangare
Prix du Jury Boris Lojkine
Sortie le mercredi 9 mars 2024
Souleymane, militant de l’Union des forces démocratiques de Guinée, persécuté par la junte militaire au pouvoir, doit plaider sa cause de demandeur d’asile devant l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides).
C’est toujours récréatif de voir les aspirants immigrants plaider la menace qu’ils représentaient pour le régime despotique de leur pays d’origine, alors qu’une fois en France, légaux ou illégaux, ils auront surtout à afficher un désintérêt total pour la politique. En réalité, Souleymane ne s’intéresse pas à la politique. Il a effectué un périple exténuant, et il voudrait surtout subvenir de loin aux besoins de sa vieille mère.
Moyennant finances, Bary tente de lui inculquer un récit plausible de son prétendu engagement en Guinée, les structures du Parti, les sites des manifs réprimées, l’attitude de la police… Son tarif est censé correspondre au montant de l’adhésion à l’UFDG (dont il peut lui procurer une carte), mais on y voit plutôt un petit "business". Et c’est difficile à payer pour Souleymane qui, comme il n’a pas de titre de séjour, doit travailler sous une fausse identité, celle d’Emmanuel, un Camerounais, qui lui prête sa photo pour les multiples contrôles qu’il subit comme livreur.
Pourtant, il est vraiment dégourdi, Souleymane, courageux, en bonne santé, et assez flegmatique face à l’accumulation d’obstacles en tous genres, courses à vélo, enregistrement du numéro de la transaction, client mécontent, vieux monsieur amical, course derrière le bus social pour rentrer au foyer, speed, speed…
L’aspect du film est celui d’un documentaire : filmage près du corps, caméra mobile qui suit le personnage dans tous ses déplacements. L’impression de vérité est telle qu’il faut vraiment l’arrivée de la calme fonctionnaire de l’OFPRA (Nina Meurisse) pour qu’on réalise qu’on n’est pas dans un documentaire. Leur entretien est un beau numéro d’acteur. On devine que Souleymane n’obtiendra pas ce statut de réfugié politique, mais restera en France, où il s’intègrera bien s’il peut rester aussi sympa (1).
Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°430, été 2024
1. À ce jour, 9 octobre 2024, Abou Sangare n’a toujours pas été régularisé.
L’Histoire de Souleymane. Réal : Boris Lojkine ; sc : B.L. & Delphine Agut ; ph : Tristan Galand ; mont : Xavier Sirven. Int : Abou Sangare, Nina Meurisse, Boris Lojkine, Younoussa Diallo, Emmanuel Yovanie (France, 2024, 93 mn).